• VLD et sons néo-médiévaux

    https://histoiredesarts.culture.gouv.fr/Dossiers-thematiques/Un-artiste-en-son-temps-Eugene-Viollet-le-Duc-1814-1879#section-3

     

    orgues 

     

    Avant-Propos

    Suite aux cours Hida sur Viollet le Duc 

     

    VLD découverte avec Mme Goût en Histoire : En France, après 1789, la conscience patrimoniale est avivée  / voyages en Italie/ Moyen Age /exemples de restaurations de VLD 

    Vézelay/  Cours de M. Durel en Arts visuels : les dessins pour apprendre, imaginer et convaincre 

    Pierrefonds / Cours de Mme Séférian en Lettres et Arts : l’art troubadour/ l’art déco 

    Pierrefonds :

    Le premier « château fantaisie » de référence avant Neuschwanstein (1869…) puis Orlando (Walt Disney World Resort ouvert en 1971))

     

    Rappel de La nouvelle question au programme limitatif pour l’enseignement de spécialité d’Histoire des Arts, Terminale 2023-24

    pour poser le décor et proposer des pistes d'études en lien avec les question de restauration sonore et d'imaginaire médiéval dans la création musicale du XIXe siècle, en particulier dans les oeuvres lyriques d'art total

     

    Un artiste en son temps : Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879)

    Rappel incendie ND de Paris avril 2019

    VLD restaurateur de monuments médiévaux

    ...mais aussi VLD dessinateur, (« voir c’est savoir et dessiner c’est bien voir ») observateur de la nature, de l’environnement et auteur de création architecturale

    XIXes : émergence d’une conscience patrimoniale nationale

    La figure de VLD permet d’interroger les grands enjeux des politiques patrimoniales avec les questions d’authenticité et de pérennité inscrites au coeur du travail de restauration, pour une vision personnelle et libre selon VLD

     

    Comment conserver et mieux, mettre en valeur le patrimoine de son lieu de vie ?

    Restaurer, une question technique, éthique et esthétique

    La priorité esthétique pour VLD ? Il met tout en oeuvre pour un rendu final qui convient à son image du Moyen Age

     

    « Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir ou le refaire dans son état d’origine, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » 

     

     

     Plan proposé à partir de la définition de la restauration architecturale par Viollet Le Duc :

    1.Restaurer les oeuvres du passé : médiévalisme et musiques anciennes exhumées au XIXes avec un musicien restaurateur des sons du passé comme VLD : François Joseph FETIS

    2.Restaurer un orgue : le Cavaillé-Coll de Notre Dame de Paris

    3.L'imaginaire médiéval dans la vie musicale européenne au XIXe siècle

     

     

     

     

    1. Introduction à la question de la restauration des sons anciens et médiévaux

    façon VLD 

    avec un exemple d’architecte et historien du son : François Joseph Fétis (1784-1871)

    ...Fétis ...

    et autres « VLD » musicaux de la restauration artistique médiévaliste

    (médiévaliste : terme qui désigne l’ensemble des représentations post-médiévales du Moyen-Age et les Etudes de ces représentations comme l’altérité historique de la culture européenne, un ailleurs, une échappée souvent fantasmée. En ce sens, VLD est un vrai architecte médiéviste. Aujourd’hui analyses médiévistes des créations actuelles par William Blanc ou Anne Besson) 

     

     

    Quand VLD propose sa définition très personnelle de la restauration architecturale, il soulève la notion d’authenticité. Peut-on réinventer un château médiéval imaginaire à partir d’une ruine ? C’est ce qu’il a proposé avec le château de Pierrefonds par exemple.

    En musique, on peut trouver ces gestes équivalents de reconstitution très libre d’œuvres du passé, et particulièrement au XIXè siècle.

     

    C’est plus récemment, dans la deuxième moitié du XXe siècle, qu’une révolution musicale en matière d’authenticité dans l’interprétation des œuvres du passé s’est nettement imposée. 

    Dès les années 1960, des musiciens comme Nicolas Harnoncourt sont allés dépouiller des archives et tenter de déduire des techniques d’interprétation à partir des traités musicaux et autres ouvrages scientifiques. 

    Malgré ces tentatives récentes plus scientifiques et toujours musicales, l’interprétation des œuvres du passé

    -passé très éloigné comme l’est le Moyen Age au regard d’une vie humaine- cette interprétation reste un art subjectif, une restauration qui dit beaucoup de son époque à travers un passé fantasmé. 

     

    C’est l’équivalent du médiévalisme dans les médias aujourd’hui.

    Ex de notre vision fantasmée des Vikings ou hommes du Moyen Âge brutaux et bodybuildés dans les jeux vidéos (Assasins Creed)

    ou séries comme « Game of thrones », « Vikings »

     

     

    Voir Esthétique « New Age » (esthétique et courant spiritualisant des XXe et XXIe s.) 

    ou forme de « médiévalisme » sonore par le choix d’instruments

    ( Cecile Corbel, harpe celtique pour Arietty, Animé de Myazaki, extrait RTL 2011 : nostalgie du passé, quand on était « petits » ?)

     

     

    Au XIXes, comme pour la mission architecturale de Mérimée  qui a associé les talents pragmatiques de VLD,  la question patrimoniale et nationale se pose dans les arts sonores.

    On déniche les sons anciens et on tente de les faire entendre comme on peut.

    Des compositeurs et chercheurs vont créer leurs collections d’instruments qui pourront finir dans un musée

    (ex Fétis et Snoeck) leurs premiers concerts de musiques médiévales, études, enseignement et déchiffrages des ouvrages de référence, dictionnaires, éditions avec de nombreux ajouts… 

     

     

    Exemple d'interprétations de musique ancienne aujourd'hui à partir d'extraits baroques pour entendre comment l'esthétique romantique est appliquée au XIXes au jeu des oeuvres du passé :

     

    Dans la tradition des reconstitutions sonores avec une esthétique romantique du XIXe siècle 

    Une musique hyper expressive

    Exagération du trait (tempi très lents et masse orchestrale pesante)

    Mise en avant des émotions, du pathos (cf Sonate dite Pathétique ou 5e et 9e Symphonies de Beethoven )

     

    Exemple de comparaison interprétative d'une oeuvre de musique ancienne :

    version dans la tradition d'interprétation du XIXe siècle et version plus actuelle

     

     

     

     

     

    Michel Corboz, 1970

    (voix soliste de basse vers 1'43)

     

    Version de 2020 plus linéaire et plus légère 

    avec les techniques de jeu des cordes baroques (cf traité) tenue de l'archet souple et moins en force pour effleurer la corde plus que pour la frotter

    Voix plus souples et jeux mélismatiques

    Tempo plus léger et dansant (tradition des suites de musique de danse qui influencent les musiques baroques) 

     

     

    Les Pages & les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles Collegium Marianum, Olivier Schneebeli, 2020

    (voix soliste de basse vers 1'13)

     

     

     

    Exemple d'effectif réduit pour les Quatre Saisons de Vivaldi, l'Eté

    + proche de la réalité historique que les versions pour orchestres du XIXes :

    plus de légèreté et de souplesse d'interprétation (variation subtile des nuances, des tempi...)

    ...............................

     

     

     

     

    À titre d’exemple de ses re-découvreurs des musiques historiques,

    François Joseph Fétis (1784-1871) pourrait être comparé à VLD

    pour ses démarches de restauration des compositions musicales anciennes 

    « L’art ne progresse pas, il se transforme »

    « L’histoire de l’art indique un développement progressif dans les formes et d’avancement dans les moyens,

    mais il n’y a que transformation dans l’objet qui est d’émouvoir »

     

    https://www.rcf.fr/culture/musique-classique-belge?episode=2427

     

    VLD et néo-sons médiévaux

     

    Fétis est professeur de composition et bibliothécaire au conservatoire de Paris, puis directeur du conservatoire de Bruxelles (1833). Il édite et écrit la Revue Musicale, magazine spécialisé dans lequel il explore systématiquement le passé musical jusqu’à Adam de la Halle, trouvères et troubadours. 

    Dès 1832 : Fétis crée des concerts historiques commentés avec une utilisation plus ou moins adéquate d’instruments anciens de sa collection.

    Dans ses concerts, il ne craint pas d’ « arranger » et même de pasticher des œuvres anciennes. Il recherche davantage un son exotique que scientifiquement historique 

     

     

    Le goût pour l’ailleurs historique et géographique 

    Au XIXe siècle, se retrouve le goût de l’ailleurs (cf Rimbaud "la vraie vie est ailleurs") historique et géographique :

    Les collections d’instruments anciens et exotiques (princières avant 1789 puis bourgeoises ou par des dilettantes vers 1830-40)

    Cf collections d’instruments anciens de Fétis et Snoeck qui constituent les bases du musée des instruments du Conservatoire de Bruxelles + collection d’instruments hindous offerte par le rajah Tagore au roi Leopold II

     

    Exemple de visite virtuelle du MIM, Musée des Instruments de Bruxelles, Instruments historiques

     

    https://my.matterport.com/show/?m=NuMrrWMCy4y&fbclid=IwAR3HPYp2uRfWlJ9sC0MtYGwKrJ2LkKUdMCaabQZU0y00w53Sl-CpbgT60EI

     

     

     

    Fin XIXes : Expositions universelles qui proposent la redécouverte d’instruments anciens, « exotiques » et concerts liés 

     

    Le goût de l’ailleurs historiques dans les concerts de musique ancienne :

    Le goût de l’ailleurs historique avec la publication d’anthologies de musique du passé + premières éditions complètes des œuvres musicales des « grands maîtres »  comme Beethoven (cf cours sur l’invisibilisation des femmes musiciennes) 

    À titre anecdotique, les Nabis, peintres mélomanes de la fin du XIXes, ont tous un moule en plâtre du masque mortuaire de leur idole sonore : Beethoven, dont les symphonies ont marqué toutes les oreilles, en particulier son monument sonore, la 9e. 

     

     

    Le retour nostalgique vers les sons du passé fantasmé 

    Au XIXe siècle, plus la musique savante devient hermétique

    (avec les derniers quatuors de Beethoven, certaines pièces de Berlioz ou de Wagner…),

    plus le commun des auditeurs se tourne vers les œuvres du passé

    (en s’arrêtant svt à Bach à cause des problèmes de déchiffrage des œuvres antérieures)

     

    La prise en compte du développement de la facture des instruments, de la virtuosité et de l’harmonie tonale dans la reconstitution pseudo-historique des musiques du passé 

    Cf Gevaert (directeur en 1871 du conservatoire de Bruxelles après Fétis) :

    « Le principal, c’est que le public ait l’illusion de l’authenticité »

    Il sera critiqué pour ses interprétations trop personnelles des œuvres du passé. Par exemple les trop nombreux silences et ralentis dans l’interprétation d’une cantate de Bach. 

  • 2.Innovations techniques au service d’une restauration : la restauration du grand orgue de Notre Dame de Paris 

    Le grand orgue de Cavaillé-Coll, un exemple d’innovation technique du Second Empire 

    cf Utilisation de matériaux modernes, à l'exemple de VLD au château de Pierrefonds (des armatures en fer...) ou les radiateurs en fonte sous les boiseries du château d'Eu en Normandie

     

     

     

    Pour un facteur d'instruments et plus spécifiquement d'orgue, Restaurer c'est intervenir pour des opérations de :

    dépoussiérage

    de relevage (pour modéliser)

    de réparation

    voire de reconstruction

    et toujours dans les règles de l'art

     

    En France, aujourd'hui (en 2022), il y a environ 60 facteurs d'orgues en exercice 

    pour entretenir et restaurer 8700 orgues recensés

    dont 1590 classés au titre des Monuments Historiques

    255 classes d'orgues en France

    2000 associations directement liées aux instruments

    +1000 concerts par an pour 500000 auditeurs réguliers 

    La facture d'orgues est un métier d'art qui requiert des compétences techniques et artistiques pointues et pluridisciplinaires 

     

     La dépose du Grand Orgue suite à l'incendie 2019 de ND de Paris

     

    Écoute du Grand Orgue Cavaillé-Coll de NDP avec une puissance sonore et richesse des jeux phénoménales, des graves uniques et béants comme des gueules de gargouilles (cf pédalier ré grave): 

     

     

    Pierre Cochereau Toccata et fugue en rém Bach BWV 565 / Grandes Orgues de ND de Paris

    1963

     

     

    Cochereau : dernier titulaire « soliste » à la tribune du grand Orgue de NDP/ 

    l’instrument de Cavaillé-Coll est plus profondément transformé entre 1959 et 1975, pour répondre aux souhaits de Pierre Cochereau, d’abord par Jean Hermann puis par Robert Boisseau, avec l’électrification de la traction des notes et des jeux, le remplacement de la console, la réharmonisation de certaines séries de tuyaux et la pose de nouveaux jeux, dont des pleins-jeux et des anches en chamade.

    Derniers travaux avant l’incendie de 2019 : Le 20 septembre 2014, l’orgue est inauguré en présence d’un public nombreux et attentif aux explications données par le maître d’œuvre, les facteurs d’orgue et les organistes titulaires heureux de présenter cet orgue constitué désormais de 115 jeux et 7952 tuyaux répartis sur 5 claviers de 56 notes et un pédalier de 30 notes.

     

    Depuis l'origine, cinquante organistes titulaires se sont succédés à la tribune, en charge de l'accompagnement liturgique et de l'animation culturelle. Parmi les plus célèbres, Louis-Claude Daquin (1694-1772), Claude Balbastre (1724-1799) qui tient l’orgue pendant la Révolution, Louis Vierne (1900-1937), Pierre Cochereau (1955-1984). A la mort de ce dernier, le desservant affectataire de la cathédrale Notre-Dame de Paris renoue un temps avec la tradition du service dit « par quartier» mise en place de 1755 à 1793. Ainsi quatre organistes titulaires sont nommés pour jouer par roulement jusqu’en 1990. Les titulaires en 2019 étaient au nombre de trois.

     

     

     

    Une des nombreuses restaurations : le Grand Orgue de Cavaillé-Coll de Notre Dame de Paris

     

    Orgues et rose ouest vues des tribunes en 2005 © ministère de la culture / Philippe Fortin 

     

    Enfant, VLD est marqué par le son des orgues de ND de Paris

    Cf Extrait du journal Le Magasin pittoresque de mars 1859.

     

    «  L'architecture et la musique.

    "On me confiait souvent à un vieux domestique qui me menait promener où sa fantaisie le conduisait. Un jour il me fit entrer dans l'église de Notre-Dame, et me portait dans ses bras, car la foule était grande. La cathédrale était tendue de noir. Mes regards se fixèrent sur les vitraux de la rose méridionale, à travers laquelle passaient les rayons du soleil, colorés des nuances les plus éclatantes. Je vois encore la place où nous étions arrêtés par la foule. Tout à coup les grandes orgues se firent entendre; pour moi, c'était la rose que j'avais devant les yeux qui chantait. Mon vieux guide voulut en vain me détromper; sous cette impression de plus en plus vive, puisque dans mon imagination j'en venais à croire que tels panneaux de vitraux produisaient des sons graves, tels autres des sons aigus, je fus saisi d'une si belle terreur qu'il fallut me faire sortir."

    C'est un des plus habiles architectes de notre temps qui raconte ce souvenir de son enfance (M. Viollet-Le-Duc, Entretiens sur l'architecture.) Il explique et justifie son illusion en rappelant les paroles bien connues d'un aveugle-né à qui l'on demandait s'il se faisait une idée de la couleur rouge? - Oui, répondit-il, le rouge, c'est le son de la trompette. - "Il y a donc, ajoute M. Viollet-Le-Duc, une corrélation intime entre les expressions diverses de l'art. Pourquoi? C'est parce que ces expressions sont puisées à une même source. Les peuples artistes sont ceux qui ont compris à un égal degré les langages divers de l’art. Un architecte qui n'éprouve pas, en écoutant un air ou un poëme, en voyant une sculpture ou une peinture, des sentiments aussi vifs que ceux que produit chez lui la vue d'un monument, n'est pas assez artiste. Il en est de même du musicien, du poëte, du peintre et du sculpteur."

    Novalis disait d'un beau monument que c'était de la "musique pétrifiée"; et Goethe, de la "musique muette". Les anciens avaient vivement senti le rapport qui unit ces deux arts: on le voit bien par la fable d'Amphion. 

     

    Pour ceux qui connaissent mal la mythologie gréco-latine, je précise qu’Amphion, fils de Zeus, poète et musicien, bâtit les remparts de Thèbes à l’aide de sa flûte et de sa lyre."

     

    Dès 1198, l’utilisation d’un orgue est attestée dans la cathédrale NDP. Depuis, l’instrument n’a cessé d’être modifié et incroyablement enrichi, jusqu’à l’ajout d’un système numérique inauguré en 1992 qui permet d’augmenter informatiquement les capacités de l’orgue symphonique. 

     

    Lors du grand chantier de reconstruction du monument entrepris par VLD et Jean-Baptiste Lassus commencé en 1843, un très grand instrument symphonique est conçu par par Aristide Cavaillé-Coll (1811-1899), facteur d’orgues majeur pour le XIXe siècle tant par l’ampleur et le nombre de ses œuvres que par ses inventions techniques

    La reconstruction prend place dans le grand chantier et elle est présentée en 1867 à l’Exposition universelle de Paris. L’orgue est inauguré en 1868.  

     

    Notre Dame de Paris

    https://histoiredesarts.culture.gouv.fr/Dossiers-thematiques/Un-artiste-en-son-temps-Eugene-Viollet-le-Duc-1814-1879#section-3

    orgues 

     

     

     

    Aujourd’hui … https://www.connaissancedesarts.com/monuments-patrimoine/notre-dame-paris/miracule-le-grand-orgue-de-notre-dame-de-paris-entame-sa-renaissance-11171923/

     

    https://notre-dame-de-paris.culture.gouv.fr/fr/le-grand-orgue

     

    Projet et construction de l’orgue symphonique  : https://www.notredamedeparis.fr/decouvrir/musique/lorgue-symphonique/

     

    Orfèvrerie et mobilier par VLD

     

    1867 : Exposition universelle :architecture, industrie et art 

    https://www.persee.fr/doc/lha_1627-4970_2001_num_2_1_884

     

     

    https://www.notredamedeparis.fr/decouvrir/musique/lorgue-symphonique/


    votre commentaire
  • 3.L'imaginaire médiéval dans la vie musicale européenne au XIXe s.

     

    Avec ses dessins quotidiens, VLD entretient et développe son travail d'historien médiéviste. Il crée sa propre vision du Moyen-Age. Dans ses restaurations architecturales qui englobent architecture extérieure et intérieure, VLD peut inventer son propre univers en mêlant les techniques anciennes qu'il a pu étudiées et les matériaux modernes qu'il utilise de manière pragmatique. C'est ainsi que le Château de Pierrefonds pourra servir de décor à différentes manifestations artistiques sensées se passer au Moyen Age : une apparence de Château fort, des références à la légende arthurienne (fresque du manteau de Cheminée), des motifs floraux qui semblent sortir de livres enluminés et des objets d'ameublement plus romantiques que moyennageux. 

     

    Depuis la parution du livre de Walter Scott, Ivanoé (1819), au début du XIXe siècle, le Moyen Age et la Renaissance vont s'emparer de l'imaginaire artistique du XIXe siècle. La vie musicale n'y échappe pas non plus.

     

    a.Des musiciens vont se transformer en musicologues pour exhumer des manuscrits et proposer des pistes de lecture et d'interprétation des oeuvres de musique du passé.

     

     

     

    b.Dans le mouvement de recherche identitaire nationale propre au XIXe siècle européen, les emprunts aux images du Moyen Age viendront s'ajouter aux emprunts folkloriques, se confondant souvent musicalement.

    c.La volonté d'affirmer l'identité religieuse catholique imprègnera de nombreux musiciens français et l'étude du chant grégorien sera sérieusement remise à l'honneur en deuxième moitié de siècle. En parallèle, l'imaginaire féerique permise par les légendes médiévales apportera sa part musicale et ses décors. 

     

     

    a.L'intérêt pour les musiques très anciennes 

     

    L'intérêt pour les musiques très anciennes se développe au fur et à mesure du XIXe siècle. 

     

    En 1872 : Edmond de Coussemaker fait éditer l'oeuvre complet de Adam de la Halle dont le Jeu de Robin et Marion, pièce de théâtre entrecoupée de chansons écrites par le trouvère d'Arras, Adam de la Halle dans les années 1270. (1 des 11 pièces ramatiques du XIIIe s qui nous soient parvenues). En 1822 Le Jeu avait été publié pour la 1ere fois mais le musicologue va fournir une triple présentation des chansons en 1872 : la notation musicale originale, sa transcription moderne et le texte seul. L'oeuvre sera jouée à la suite de sa publication.

     

    Adam de la Hall, Le jeu de Robin et Marion, vers 9'47 Bergeronnette sui..., reconstitution de Edmond de Coussemaker

     

     

    On retrouve des références à cette oeuvre profane et médiévale majeure dans l'opéra de Jules Massenet : le Jongleur de Notre Dame de 1902.

    Dans cet opéra, Massenet et son librettiste Maurice Léna incluent d'autres pièces médiévales connues comme des chansons de toile ou des parodies qui se pratiquaient au Moyen Age; des paroles qu'on changeait à des textes religieux : ici, "l'Alleluia du vin" chanté par le jongleur de Notre Dame.

     

     

    Jules Massenet, Le jongleur de Notre Dame 

    livret de Maurice Léna, 1902

     

    Alleluia du vin, vers 14'30

     

     

    b.Des mythologies nationales mises en valeur par les sons et les opéras

    Wagner est le compositeur d'opéras européen qui a participé le plus amplement à la création d'une mythologie identitaire pour son pays en plein expansion, la Prusse. Avec ses oeuvres d'art total, le Moyen Age fantasmé est à l'honneur, de Tristan und Isolde à son ultime Parsifal, en passant par la tétralogie de l'Or du Rhin, équivalent du Seigneur des anneaux au début du XXe siècle. 

    Si les administrations musicales parisiennes voient d'un mauvais oeil la représentation des oeuvres germaniques pour des causes politiques, l'influence de la musique et du style wagnériens va être majeure auprès de la jeune génération de la seconde moitié du XIXes.

    Ainsi Vincent D'Indy va proposer sa propre mythologie musicale en adaptant un livret scandinave à sa région d'origine ; les Cévennes. Avec son opéra Fervaal qui dure plus de 3h, il propose un décor folklorique et "heroic fantasy" avant l'heure, avec des druides, des celtes et des invasions sarrazines, pour mettre en avant le pouvoir de l'amour, mais un amour teinté fortement de chrétienté, puisque un choeur de voix mystiques vient emporter au ciel le héros et sa belle décédée sur le thème grégorien du Pangue Lingua.

     

     

    Pangue Lingua, Choeur des Moines de l'abbaye de Ligugé

     

     

     Vincent d’Indy, Fervaal, opéra en 3 actes créé en 1897

    au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles 

    D’Indy suit le conseil de Wagner aux jeunes compositeurs français -consistant à écrire des opéras sur des légendes nationales-

    Il transplante dans les Cévennes l’action située en Scandinavie dans le poème original Axel de Tegner (1782-1846)

     

     

    Vincent d'Indy, Fervaal, vers 3'18'28 

     

    ...Fervaal :

    Ah

    J'entends, je vois, je sais :

    Le Dieu nouveau commande...

     

    (...)

    A l'Orient la lumière a brillé

     

     

    La moralité catholique est portée par de nombreux musiciens (souvent "académiques") au XIXe siècle.

    Des Ecoles dédiées en partie à la mise en valeur des musiques sacrées du Moyen Age correspondant aux premiers temps du Christianisme du Chant grégorien. Choron en est l'initiateur en 1818, avec la volonté de rétablir le chant liturgique et religieux des origines rêvées, puis viendra l'Ecole Niedermeyer en 1853 et enfin la Schola Cantorum fondée avec la participation de Vincent d'Indy en 1894, encore en activité aujourd'hui. 

     

    Dans Fervaal, Forêts, montagnes et Chevaliers, fées au centre

     

    cf scène de description de l'équipement du chevalier. On se croirait au château de Pierrefonds avec le manteau de cheminée figurant les chevaliers de la Table Ronde.

     

    cf légende du Roi Arthur 

    Ernest CHAUSSON (livret du compositeur) 

    le Roi Arthus (1903)

     

     

    3. Spiritualité et Féerisme aux couleurs médiévales dans les opéras et musiques du XIXe siècle : créer du nouveau

    Les couleurs modales et spirituelles des sons imaginaires du Moyen Age pour s'échapper de la tradition harmonique musicale du XVIIIe siècle et se permettre de créer de nouvelles formes et couleurs sonores : 

     

    Exemple avec Debussy 

     

    Claude Debussy, Pelleas et Mélisande 

    livret symboliste de Maeterlinck /art Nouveau/ motifs floraux

    1902 

     

     

    En Conclusion ouverte

    Aller voir du côté du mouvement des NABIS (après symbolistes et pré-raphaélites) 

    peintres férus de musique et à la recherche de l'art total 

    à travers les imageries de l'intime et d'un Moyen Age fantasmé

    comme a pu le pratiquer à sa façon Viollet le Duc.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     Annexe :

    autres exemples de livret et musiques médiévalistes au XIXe s

    https://books.openedition.org/pub/33163?lang=fr

    Le Moyen Âge en échos dans l’opéra du XIXe siècle : une référence historique en deux dimensions

    p. 179-191

     

     

    Berlioz, La damnation de Faust,

    La chanson du roi de Thulé

    Texte de Berlioz d'après le Faust de Goethe traduit par Gérard de Nerval 

    1846

     

     

    Edouard Lalo, Le Roi d'Ys, livret d'Edouard Blau, 1888

     

     

     

    Isaac Albeniz, Merlin, livret de Francis Money-Coutts, 1902

    Ouverture avec un choeur de moines qui viennent des coulisses au centre du plateau 

    Harmonisation à la manière grégorienne 

    Veni redemptor

     

     

     

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique