• Musique de Ioye, 1542

     Musique de Joye, 1542

    L'essor de la musique instrumentale en Europe à la Renaissance

    Lyon et ses foires, Jacques Moderne éditeur de partitions musicales 

      

     

     

    Depuis l'Antiquité, la musique vocale est le modèle musical par excellence. Les musiciens jugés les plus expressifs et compétents sont ceux qui parviennent à imiter l'expression vocale, le chant. L'ornementation est un moyen de rendre plus expressif le jeu instrumental et par là de chercher à se rapprocher de l'expression vocale. 

    En s'appuyant sur un extrait d'un recueil instrumental publié par Jacques Moderne en 1542 à Lyon, nous pouvons questionner l'essor de l'art instrumental à la fin de la Renaissance, qui va annoncer la grande expressivité et l'art du contraste inhérent à l'esthétique musical baroque.

    En paralèlle, nous proposerons des oeuvres que l'on peut croiser au musée des Beaux Arts de Lyon, pour rester dans le patrimoine géographique local. Art sacré, art profane, perspectives (voir cours de Monsieur Durel) et contrepoint, polyphonie, pavane... autant de termes à rencontrer sur le sujet.    

    Musique de Ioye, 1542

    Partie "superius" du recueil publié par Jacques Moderne à Lyon entre 1542 et 1544

    Pour commencer, voici un extrait de la partie "superius" du recueil musical qui nous intéresse. Superius signifie voix la plus haute. A la fin du XVIè siècle et avec l'invention récente de l'imprimerie musicale (1er Petrucci à Venise en 1501), les éditeurs proposent des partitions pour 4 voix qui se présentent adaptées pour chanter autour d'une table.  Très pratiques, les partitions avec quatre ou cinq voix sur la même double page sont aussi en vogue. Disposées dans des sens différents, elles peuvent être lues sous divers angles autour d'une table et existent également en tablature (Tablature : Système de notation musicale n'utilisant pas les notes, mais indiquant la place des doigts sur l'instrument de musique. A la Renaissance, il existe des tablatures pour luth, orgue, clavecin mais aussi pour viole ou flûte. Aujourd'hui les guitaristes utilisent encore des tablatures.)

    Dans le Livre de Joye publié entre 1542 et 1544 à Lyon, nous trouvons 20 ricercars ("recherches" ou pièces polyphoniques qui "malmènent" un thème musical en le multipliant et le variant comme on le ferait avec un assemblage de "légos") et 29 danses françaises (danses à la mode à l'époque; basses danses, tourdions, pavanes, gaillardes et branles) 

    Pour information, L'édition musicale lyonnaise a commencé vers 1525 au plus tard, donc au moins trois ans avant Paris ;la technique privilégiée alors était la gravure sur bois pour la musique et la typographie pour le texte (pour la musique, la typographie n'intervient que vers 1532 avec Jacques Moderne, ou peu avant) ;les œuvres publiées sont des chansons, des motets, des messes ou des fragments de messe ;le nombre d'éditions se montre à une quinzaine environ, dont environ la moitié concerne des œuvres de Francesco Layolle.  

     

    Musique de Ioye, 1542

    Jacques MODERNE (vers 1495 Italie (Croatie actuelle), après 1561 Lyon)

    Imprimeur-libraire lyonnais de la Renaissance connu surtout pour ses éditions musicales. Dès 1534 il installe sa librairie imprimerie rue Mercière, au coeur du quartier des imprimeurs et non loin de l'Eglise des Dominicains de Notre Dame de Confort, qui est le centre de la communauté florentine de Lyon, communauté prospère.Il côtoie en particulier le musicien et organiste de Notre Dame de Confort, Francesco Layolle, qu'il publie et qui oeuvre comme conseiller éditorial. 

     

    Musique de Ioye, 1542

    Reconstitution en images virtuelles de l'Eglise Notre Dame de Confort

    C'est une ancienne église de Lyon construite en 1218 et détruite en 1816 située près de la place des Jacobins. 

    Musique de Ioye, 1542

    Francesco de Layolle, portrait présumé par Pierfrancesco di Jacopo Foschi (1518)

     

     

     

    Essor de la musique instrumentale à la fin du XVIè s.

    inspirée par les deux espaces musicaux distincts : 

    Musique sacrée et musique profane :

    Définitions ? 

     

    Prendre des notes très générales à propos de ce qu'on peut appeler les Musiques de la Chambre à la Renaissance et qu'on opposera aux musiques sacrées interprétées dans l'espace architectural sacré.  

    Document suivant pages 18 à 27

    https://musee-renaissance.fr/sites/musee-renaissance.fr/files/dossier_pedagogique_musique_renaissance.pdf

     

     

    Musique de Ioye, 1542

    Bartolomeo MONTAGNA (1455-1523)

    La vierge et l'enfant (Musée des Beaux arts de Lyon)

     

    Le contrepoint en musique pourrait-il  être l'équivalent de la perspective en peintures ?

    Le contrepoint est l'art de composer en superposant des lignes mélodiques (pour dessiner des figures géométriques : canon, fugue, sujet, contre-sujet, miroir ...)

     

    Musique de Ioye, 1542

    Lucas Cranach l'ancien (1472-1553)

    Portrait de femme (1534)

    Huile sur bois

    MBA Lyon

     

     Voir -pour comparer l'art de représenter les tissus- le tableau des Epoux Arnolfini

    Musique de Ioye, 1542

    Jan van Eyck, Les époux Arnolfini, 1434, huile sur panneaux de chêne, 82 cm x60 cm, National Gallery, London

    La peinture à l'huile -plus précise que la peinture a tempura- permet de bien différencier les textures 

     

    L'évolution de la facture instrumentale va permettre à la musique instrumentale de se développer

     

                Musicque de Ioye / Hespérion XX Jordi Savall

     

     

     

    Analyse musicale

    Domaines musicaux :

    Timbres (voix et instruments)

    Temps (vitesse du tempo, pulsé, non pulsé, rythmes particuliers? Accents ?

    Mesures à 3 ou 4 temps ou autres),

    Dynamique (nuances doux ou fort (piano ou forte), crescendo...),

    Caractère (calme, violent, mélancolique, dansant etc.)

    Structure (éléments musicaux comme un thème mélodique qu'on peut chanter qui permet de structurer le temps, structure couplet/refrain, strophique etc.)

    Musique consonante (harmonieuse) ou dissonante

     

    Modena, Pavane 11 "la bataille"

     

     

     

    La Guerre (1528) "Dyptique" de Clément Janequin

    2'30 début de 2è partie

    les King's Singers

    Taken from the 2008 BBC Prom concert in the Royal Albert Hall London

     

     « La Guerre »

    Chanson descriptive à 5 voix qui commémore

    La Bataille de Marignan : 13 et 14 septembre 1515 en Suisse (+15000 morts)

    Fin des guerres France/Italie et victoire du roi François 1er

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Première partie : Préparation aux combats

    ECOUTEZ TOUS, GENTILS GALLOIS (entrées en imitation)

    LA VICTOIRE DU NOBLE ROI FRANÇOIS

    (…)

    FIFRES SOUFFLEZ, FRAPPEZ TAMBOURS

    TOURNEZ, VIREZ, FAITES VOS TOURS

    (…)

    AVENTURIERS, GAIS COMPAGNONS (homorythmie ternaire)

    ENSEMBLE CROISEZ VOS BÂTONS (...)

     

    Deuxième partie : Onomatopées qui décrivent les bruits de la guerre

    FAN FAN, FERELERELAN FAN FAN, FAN, FEYNE

    BOUTEZ SELLE, BOUTEZ SELLE (trompettes)

    VON VON PATIPATOC, VON VON PATIPATOC

    CHIPE CHOPE, TORCHE LORGNE VICTOIRE !

     

    Musique de Ioye, 1542

     La bataille de San Romano (1432) , Paolo UCELLO (1456)

     

    En complément, sur l'Art musical de la Renaissance :

    https://musee-renaissance.fr/sites/musee-renaissance.fr/files/dossier_pedagogique_musique_renaissance.pdf

     

    Résumé à partir du dossier pédagogique du Musée d'Ecouen, concernant la musique profane occidentale à la Renaissance : 

     

    La musique profane à la Renaissance

    Pistes d'études

     

    Au XVIès. : la chambre est le lieu de vie et de réception du Seigneur. Il y mange, reçoit, dort et y fait entendre de la musique. Les bas-instruments (les moins sonores) sont à l'honneur et font courir les chansons à la mode et leurs versions instrumentales le plus souvent. A la cour de France, l'ensemble dit « la chambre de musique » est officiellement reconnu en 1540. Il comprend des chanteurs, claviéristes(orgue, épinette...), luthistes, violistes, harpistes, cornettistes, puis violonistes.

     

    Répertoire profane : Chanson et madrigal

    La chanson est un art social. Dès le XVès. des chansons à textes français se répandent en Europe, des Flandres à l'Italie. Elle se pratique de 3 à 8 voix avec une prédilection pour le 4 voix.

    Au XVIès. ses sujets se diversifie : textes narratifs, érotiques, satiriques, spirituels etc.

     

    Au XVIès. va naître le madrigal en Italie, chant monodique et polyphonique élaboré sur des sujets amoureux et qui cherche à lier au plus près texte et figures musicales.

     

    La musique instrumentale

    Issue de la transcription de la musique vocale ou de son accompagnement, la musique instrumentale profane prend son essor au XVè s.

     

    La musique des festivités :

    L'institution de l'Ecurie accompagne le Roi et les musiciens sont vêtus selon ses couleurs. C'est un ensemble de musiciens chargés des musiques de plein air avec leurs « haulx instruments » et qui fonctionnent en « bandes » composées d'un type unique d'instruments : trompettes, fifres, tambourins... puis sacqueboutes (ancêtre du trombone) et hautbois.... et encore violons.

    Festins, bals, entrées royales, champs de bataille, baptêmes, sacres et enterrements; autant de manifestations où sévit l'Ecurie. Cette institution est moins prestigieuse que la Chapelle et la Chambre du Roy mais permet une certaine liberté aux musiciens.

     

    A la cour des Valois il y a au minimum deux bals par semaine et l'Ecurie est très sollicitée. Le violon est l'instrument le plus approprié. Les instruments accompagnent les danses, lentes comme la Pavane ou rapides et sautillantes à la manière de la Gaillarde.

     

    Pour des grands évènements tels que sacrement ou funérailles, les trois ensembles de musique du Roi se rejoignent : Ecurie, Chambre et Chapelle.

    Ces festivités religieuses donnent lieu à de grands spectacles, banquets et bals qui mêlent les différents arts. (On ne peut s'empêcher de faire référence au rôle de Leonard de Vinci comme coordinateur de divertissements à la Cour des Sforza à Milan à la fin du XVè siècle.) Les thèmes choisis sont presque exclusivement tirés de la mythologie (Métamorphoses d'Ovide, Enéide de Virgile...)

     

    Dans un livret parvenu jusqu'à nous, on a conservé exceptionnellement la musique d'un grand spectacle donné à la Cour de France en 1581 : le Ballet Comique de la Reine d'après Ovide. Danse, mise en scène, musique et comédie sont créées par Balthasar de Beaujoyeulx. artiste italien envoyé en France à la tête d'une bande de violons en 1555 et qui a servi les plus grands (Henri II, Catherine de Médicis, Marie Stuart, Charles IX, Henri III)

     

    La musique de plein air

    Pour la chasse, sport favori des cours, la musique permet de donner les signaux. Le cor ou la trompette joueront des formules (jingles à l'aide de longues et de brèves) qui évoquent une circonstance précise (chiens qui suivent la bonne piste, animal vu par le sonneur, proie dans un étang ou une rivière...

    1568 : publication d'un ouvrage de vénerie où l'on trouve les indications de sonnerie de cor.

    Jacques du Fouilloux

     

    Musique et guerres : fifres, tambours et trompettes

    Les soldats se déplacent au son des musiciens et fixent leur pas sur la marche musicale.

    Assaut, retraite ou progression sont signalés pour l'infanterie par un code frappé aux tambours ou sonné aux trompettes.

    1534 : François 1er prévoit pour un effectif de 42000 hommes 164 tambourins et 84 fifres

    Les timbales sont réservées à la cavalerie.

    Sur les bateaux, les musiciens sont également présents.

     

    Entrées royales :

    L'Entrée des rois de France dans leurs villes se fait au son des trompettes, clairons, sacqueboutes, hautbois et choeur.

    1533 : Entrée de la Reine Eléonore d'Autriche à Lyon.

    A la Renaissance, ces Entrées se veulent des triomphes selon le modèle Antique. Les meilleurs artistes sont sollicités; architectes, sculpteurs, menuisiers, poètes. Pour immortaliser ces cérémonies fastueuses, des livrets sont rédigés et illustrés de gravures. Peu d'indications sont précisées concernant la retransmission du son lui-même au contraire de tous les aspects visuels plus aisés à décrire.

     

    Conclusion ouverte sur la musique occidentale profane à la période de la Renaissance :

    Avec l'imprimerie musicale, la musique vocale et instrumentale se développe à la Renaissance. Si les meilleurs musiciens sévissent autour des princes et des souverains, l'impression des chansons en vogue et des tablatures pour les instruments polyphoniques -luth et claviers (orgue, Epinette, virginal, clavicorde...)- s'ouvre à la pratique amateur. Grâce à l'édition musicale d'étonnants trésors du patrimoine sonore nous sont parvenus; qu'on pense à la chanson à 5 voix « la Guerre » de Janequin qui raconte et bruite les sons de La victoire de François 1er à Marignan, fresque musicale si populaire depuis sa création que de nombreuses transcriptions instrumentales ont été jusqu'à l'impression également. Depuis la deuxième moitié du XXè siècle et la recherche de « l'authenticité » dans l'interprétation musicale, de nombreux musiciens et chercheurs ont avancé sur l'interprétation du répertoire musical de la Renaissance. Des comparaisons avec les musiques improvisées actuelles ou musique de jazz ne sont pas à exclure quand on étudie les nombreux traités d'ornementation imprimés au XVIès.

     

     

    Sur le site du Musée national de la Renaissance à Ecouen, voici des liens pour aller lire les dossiers pédagogiques spécifiques à d'autres ouvertures artistiques 

    https://musee-renaissance.fr/scolaires-et-enseignants/preparez-votre-visite