• Empreintes sonores du Sacré...

    Le geste et la voix dans l'art et sa relation au sacré

    à travers des oeuvres liées aux sons depuis l'Antiquité et jusqu'à nos jours

     

    http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-tracesdusacre/ENS-tracesdusacre.html

     

    exemple d'article à propos de l'exposition Traces du sacré au Centre Pompidou :

     

     

     

    Pour poser la question entre Art et Sacré avec des exemples sonores plus appuyés, je vous propose de suivre le cheminement intellectuel tel qu'il a pu être proposé au spectateur de l'exposition thématique du Centre Pompidou en 2008 : "Traces du Sacré".

     

    1. Inquiétude et nostalgie métaphysiques

    2.La recherche d'absolu

    L’aspiration à l’invisible

    Sentiment cosmique et recherche d’absolu

    3.Orphée, entre Apollon et Dionysos ...Dionysiaque

    4. Wozzeck 1925, un opéra sacrilège ? Érotisme et offense

    5.Autour de Pierre Henry

    Apocalypse

    Nouvelles perceptions et sagesses orientales

    Du spirituel aujourd’hui

    Cette exposition s'intéressait aux relations entre art occidental du XXè siècle et Spiritualité. 

    J'élargirai pour ma part le champs temporel en ne limitant pas les analyses aux oeuvres du XXè siècle et piocherai dans le temps les exemples parlants, même si l'art et la religion ont subi de véritables révolutions internes pendant ce siècle des deux guerres mondiales et des accélérations technologiques. Afin de contextualiser la question de l'art et du sacré dans un espace connu, des références locales pourront être citées. On pourra suivre les traces d'un certain archevêque de Bonald (archevêque de Lyon de 1839 à 1870) et qui a bousculé les habitudes liturgiques locales en osant ajouter un orgue dans la Primatiale pour suivre le rite romain et non plus lyonnais. Ce même archevêque a posé symboliquement la première pierre du Grand Séminaire Saint Irénée (actuel lycée) en 1855.

    Traces et empreintes du Sacré...

    J'axerai également mon propos autour de deux éléments : le geste et la voix. 

     

    Mots clef

    art/art du son

    sacré

    Lyon

    Geste

    Voix

     XXe et XXIes.

     

     

    1.Inquiétudes et nostalgies métaphysiques

    (Propos appuyé sur un article de Susanna PASTICCI, Musique religieuse et spiritualité, Encyclopédie de la musique, Musiques du XXè siècle, Actes Sud, 2003 pr la trad. fr.)

    Définition de la musique religieuse : Production musicale destinée au culte et à une fonction liturgique. Musique conçue pour affirmer l'expression d'une foi et définir l'appartenance de l'auteur à une confession définie. "

    La musique religieuse reste une catégorie de la production créative très importante dans l'art occidental. Pour se promener dans n'importe quel musée des Beaux Arts d'une ville européenne, n'est-on pas suffisamment armé avec deux livres essentiels à la main ? la bible et les métamorphoses d'Ovide ....

    Avec son langage spécifique et abstrait, la musique accède plus directement qu'aucun autre art à l'intuition de l'infini et de l'absolu. 

    La notion de sacralisation de l'art continue de se répandre dans le monde occidental depuis les soubresauts de la Révolution française qui a mis à mal le pouvoir indéfectible du clergé et laissé le champs libre aux artistes pour exprimer leur ego sans crainde les jugements de valeur moraux ou de la société qui les entoure. 

     

    Exemple d'étude de plusieurs oeuvres musicales composées à partir d'un même objet religieux au départ : l'Agnus Dei est le 5è des chants à texte invariable qui constituent la partie chantée par le Choeur dans l'Ordinaire de la Messe. 

    Agnus dei, Bério 1971 (Ensemble Tactus)

    LaÏque, Bério apprécie le mystère qui en,toure la planète Bible au contraire des livres littéraires. "ce qui m'attire, à partir de mon petit observatoire laïque, dans cette gigantesque planète bible, c'est avant tout son caractère impénétrable(...)"

    cf Berio, L., 1992 : "...Da musicista laico...", in la musica e la bibbia, actes du Convegno internazionale di studi promosso da biblia e dall'Accademia musicale chigiana, Sienne, 24-26 août 1990, P. troia (éd.), Rome, Garamond, p.285-286

    Agnus Dei, Messe en si, J.S. Bach, 1749

    Messe en ré, Beethoven, Agnus Dei, 1818-1823 (10' Donna nobis pacem)

    Traces et empreintes du Sacré...

    Angelus novus, Paul Klee 1920

    Encre de chine, huile, papier et aquarelle

    31,8x24,2 cm

    « Il existe un tableau de Klee qui s'intitule Angelus novus. Il représente un ange qui semble avoir dessein de s'éloigner de ce à quoi son regard semble rivé. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. Tel est l'aspect que doit avoir nécessairement l'ange de l'histoire. Il a le visage tourné vers le passé. Où paraît devant nous une suite d'événements, il ne voit qu'une seule et unique catastrophe, qui ne cesse d'amonceler ruines sur ruines et les jette à ses pieds. Il voudrait bien s'attarder, réveiller les morts et rassembler les vaincus. Mais du paradis souffle une tempête qui s'est prise dans ses ailes, si forte que l'ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse incessamment vers l'avenir auquel il tourne le dos, cependant que jusqu'au ciel devant lui s'accumulent les ruines. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès1. »

    — Walter Benjamin, Sur le concept d'histoire

     

  • Pierre Henry

    en quête du son sacré

    (1927-2017)

    5.Pierre Henry, en quête du son sacré...

    5.Pierre Henry, en quête du son sacré...

     

    Séance de fin novembre 2020 :

    L'art et le sacré/ Mme Letessier
     
    extrait du cahier de texte : Continuez d'enrichir votre portfolio (http://polysephony.eklablog.com/portfolio-2021-c32903510),
    Pistes sonores proposées autour d'un compositeur : Il s'agit de Pierre Henry.
    Article du blog Polysephony 
    http://polysephony.eklablog.com/5-pierre-henry-en-quete-du-son-sacre-a204268804
     
    Pour les élèves qui ont déjà une idée d'oeuvre sonore ou audiovisuelle à poser dans leur portfolio, merci d'en faire une analyse problématisée.
    Pensez à référencer vos sources
     
    Ces différentes analyses (et références des sources) seront posées sur le padlet des Terminales dont je rappelle le lien : 
     

     

    Autre piste d'étude architecturale et musicale pour la sacralisation de l'art : le Théâtre de Bayreuth et la recherche de l'Art de total (à travers la Tétralogie de Wagner ou Parsifal)

     

     La question du sacré et de la mort est très présente dans les oeuvres du compositeur Pierre Henry, l'éternel "grand bidouilleur" des sons, le pape de la musique électro-acoustique (mélange et transformation des sons enregistrés). 

    Elève de Messiaen et de Nadia Boulanger, issu des classes de composition classique du conservatoire, il va puiser ses références dans la culture occidentale mais également dans les cultures extra européennes.

    Dans ses deux principaux studios -APSOME rue Cardinet à Paris puis SON/RÉ dans le 12ème arrondissement- le compositeur élabore ses oeuvres. Tel un artiste plasticien néo-réaliste (exemple les Tableaux-Pièges de Daniel Spoerri), il est entouré de tout son matériel exposé aux murs et dans tout son studio comme autant d'oeuvres concrètes. Il rassemble les éléments matériels utilisés dans ses compositions, les colle sur une surface plane qu'il accroche à la verticale ensuite, et ne craint pas de modifier ses oeuvres. C'est le même procédé qu'il utilise dans ses compositions musicales, toujours en devenir. 

     

    5.Pierre Henry, en quête du son sacré...

    Exemple de Tableau-piège de Daniel Spoerri, 1964

    Eaten by Marcel Duchamp

    Collage sur panneau, 54X64X24

     

    L'oeuvre la plus populaire de Pierre Henry et la plus emblématique allie mouvements de la danse, sons futuristes et référence à une nouvelle forme de spiritualité :

    Le morceau Psyché Rock extrait de la Messe du temps présent fait référence à cette organisation liturgique et musicale chrétienne qu'est la messe

    Pierre Henry, le "papy" de la musique électronique

    Psyché Rock, Pierre Henry, 1967

    1er "tube" composé avec des sons électroniques

     

    3 plans sonores :

    1er plan sonore : Instruments acoustiques

    Trombones

    Cloches tubulaires

    Flûtes traversières

     

    2è plan sonore : Instruments amplifiés

    Groupe de rock : Batterie, guitare basse (qui joue l'OSTINATO MI LA SI LA, guitare électrique avec effets de distorsion)

     

    3è plan sonore : les bruitages (effet futuriste)

    3'33 Psyché Rock, Pierre Henry, 1967. CNDC Angers, 2016

    http://www.musicaschilick.fr/pages/contenu-des-sequences/3eme/hey-rock-you.html

    Messe pour le temps présent Avignon 1967

    Maurice Béjart a participé avec ses multiples créations chorégraphiques à la sacralisation de l'art de la danse.

    Cette passion dévouée pour son art le rapproche d'artistes comme Pierre Henry.

    « Ayant fait de la danse ma raison de vivre, écrit-il dans ses Mémoires. Je l'ai prise au sérieux. J'ai tout de suite été frappé par un divorce : celui qui existe entre le travail exigé par les professeurs et fourni par leurs élèves (jusqu'à la dévotion) dans les studios de danse, pendant les classes, et le n'importe-quoi sclérosé qui régnait dans les spectacles de danse. On avait fait de la danse un art mineur, un art décoratif, un divertissement. (...)

    J'ai pris la danse au sérieux parce que je crois que la danse est un phénomène d'origine religieuse. Et ensuite un phénomène social. Tant que la danse sera considérée comme un rite, rite à la fois sacré et humain, elle remplira sa fonction. »

    Pour ce faire, le chorégraphe fait feu de tout bois : la beauté apprise pendant son laborieux apprentissage de la danse classique, la modernité, entretenue dans la proximité de compositeurs amis tels Stockhausen, Boulez, Pierre Henry, Nino Rota, Manos Hadjidakis. Le tout relevé par un zeste de provocation indispensable pour capter le public.

     cf Lettres à un jeune danseur, Maurice Béjart, Actes Sud, 2001

    Les conseils de Béjart à un jeune homme choisissant la voie de la danse pour trouver l'universalité et l'unicité de Dieu.

     

     

    Psyché Rock

     

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Messe_pour_le_temps_pr%C3%A9sent

    http://syntone.fr/a-la-recherche-du-temps-present/

    https://www.beauxarts.com/videos/pierre-henry-disparition-dun-alchimiste-du-son/

     

    Louie, Louie, Richard Berry (1956)

     

     

     

    (Parenthèse : Pour des questions sur la danse, le rituel et le sacré, une oeuvre musicale majeure s'impose;

    le Sacre du Printemps de Stravinsky

    Il s'agit, comme avec l'Echelle de Jacob de Schonberg ou Wozzeck de Berg, d'une musique et oeuvre d'avant garde par son écriture musicale dissonante, par ses mouvements chorégraphiques saccadés qui cassent le geste aristocratique du ballet classique, les décors et costumes symboliques et la conception globale qui transforme le ballet en rituel sacré malgré l'espace profane et le sujet païen du sacrifice d'une jeune fille.

    C'est l'impulsion moderne donnée par la présence des Ballets Russes à Paris avant la première guerre mondiale, quand de nouveaux mouvements d'avant garde se mettent à éclore (art abstrait, cubisme, fauvisme, dodécaphonisme...))

    voir quelques pistes sur ce blog :  http://polysephony.eklablog.com/le-sacre-du-printemps-c30606484

     

    Sensible au questionnement sur la mort, Pierre Henry va mettre en sons des textes sacrés occidentaux comme l'Apocalypse de Jean extrait de la Bible, mais également aller chercher des textes spirituels dans d'autres cultures comme le livre des morts tibétain ou le livre des morts égyptiens...

     

    Les oeuvres avec références à la culture sacrée occidentale 

    http://pierre-henry.org/

    Pierre Henry a mieux que personne exploré et inventé le son du futur. Visionnaire, il écrivait dès 1947 :

    «  POUR PENSER A UNE NOUVELLE MUSIQUE »

    « Il faut détruire la musique. Elle ne correspond plus à rien pour nous dans la mesure où elle doit être HARMONIE DES SPHÈRES. Dans la mesure où le sacré s’est transporté de l’Absolu jusque dans la vie elle-même, la musique doit se transporter de la sphère de l’art (musicalement parlant) dans le domaine de l’angoisse sacrée.
    Si les conventions musicales, l’harmonie, la composition, les règles, les nombres, le côté mathématique et les formes avaient un sens par rapport à un Absolu, aujourd’hui la musique ne peut en avoir que par rapport aux cris, au rire, au sexe, à la mort. Tout ce qui nous met en communication avec le cosmique, c’est-à-dire avec la matière vivante des mondes en feu. Il faut prendre immédiatement une direction qui mène à l’organique pur. A ce point de vue, la musique a été beaucoup moins loin que la poésie ou la peinture. Elle n’a pas encore osé se détruire elle-même pour vivre. Pour vivre plus fort comme le fait tout phénomène vraiment vivant. Cela ne veut pas dire : écarter toute règle, toute rigueur ou toute forme, mais pas d’autres règles que celles visant à l’efficacité. Je crois que l’appareil enregistreur est actuellement le meilleur instrument du compositeur qui veut réellement créer par l’oreille et pour l’oreille. Si nous voulons lutter contre la mécanique, il faut employer des méthodes mécaniques, ainsi la machine se retournera contre elle-même. Un son enregistré est instantanément détruit en tant que machine.
    Le Mythe du Moderne n’existe plus. Les bruits seront supprimés. Ils deviendront désincarnés, désignifiés et comme sacralisés.
    Alors ce sera peut-être la musique concrète, la musique du VIVANT et du SOLEIL.
     »

    http://brahms.ircam.fr/pierre-henry

       

    L'Apocalypse de Jean 1969

    ORATORIO électronique en 5 temps (1968) 

    http://brahms.ircam.fr/works/work/22184/

     

    Archives INA/ Samedi et compagnie, émission télévisuelle du 23 mai 1970

     

    DIEU, 1977 (reprise en 2005)

    d'après Victor Hugo 

     

    Ceremony 1969 

    Paradis perdu 1982 

    Ma grande Pâque russe 1993

    Les sept péchés capitaux 1998

    Requiem profane  2002 

     

     

    Les oeuvres avec références à la culture sacrée extra-européenne

    Le livre des morts tibétain, 1962

    Extrait du texte de présentation de l'analyse du voyage par Michel Chion

     http://michelchion.com/blog/114-la-preuve-par-l-oeuvre-n-1

    "Le Voyage", de Pierre Henry, 1962

     

    Avec cette rubrique, je commence la publication gratuite sur mon site, grâce à l'aide de Geoffroy Montel, de courts textes consacrés à des œuvres marquantes de musique concrète. Pour la première de ces publications, j'ai pris une œuvre classique d'un compositeur capital qui vient de disparaître.

    J'ai rédigé cette analyse vers 1973, pour le Séminaire de Pierre Schaeffer au Conservatoire de Paris dont je m'occupais alors, en tant que membre du Groupe de Recherches Musicales (dont j'ai démissionné trois ans plus tard). Je l'ai ensuite incorporée dans ma monographie sur Pierre Henry, publiée par les éditions Fayard en 1980, puis réactualisée en 2003.

    L'œuvre Le Voyage (d'après le Livre des Morts Tibétain) a été maintes fois publiée, soit en extraits, soit en albums séparés, soit dans le cadre de différentes anthologies ou de coffrets. On peut se le procurer ou le télécharger en ligne (par exemple, sur DeezerSpotifyApple MusicQobuz).

    Précisons que l'original de l'œuvre est une bande magnétique 2 pistes.

    M.C., 15 juillet 2017

     

    La version ballet du Voyage est créée le 29 avril 1962 à l'Opéra de Cologne, avec la chorégraphie de Béjart, les costumes de Germinal Cassado et les projections de Thierry Vincens. Lothar Hofgen danse le rôle du Voyageur, que reprendra Jorge Donn.

    Extrait de l'analyse par Michel Chion du 2è mouvement de l'oeuvre "Le Voyage", musique de Pierre Henry et chorégraphie de Maurice Béjart. Ici le danseur Jorge Donn à l'oeuvre...

    Jorge Donn, le voyage (2)

    "2) Après la mort 1 (Fluide et Mobilité d'un larsen), moment où apparaît la Claire Lumière, long mouvement qui est un ruissellement sans hâte de petites durées, de petits phénomènes scintillants ou glougloutants, est un sommet de la musique, proche de certains adagios de Schubert, et en particulier de celui du Quintette à deux violoncelles. Des oscillations de Larsen fines, aiguës et flûtées, ou au contraire graves et lentes, dans le rythme alternatif d'une respiration, forment un continuum organique sans rupture sur le fond duquel se détache un très curieux et fascinant son intermittent, un personnage sonore de type êtricule (j'appelle ainsi dans l'œuvre de Pierre Henry ces personnages sonores évoquant de petits êtres vivants agités) que nous appelons l'”Insaisissable”. C'est un petit clapotis imprévisible, toujours différent, dont on ne peut fixer les formes dans la mémoire, ni prévoir quand il reviendra. L'”Insaisissable Objet”, qui est le sujet de ce mouvement (la Claire Lumière qu'on ne peut atteindre) et qui est un des thèmes majeurs de la musique concrète : comme le furet, il court, il est passé par ici, il repassera par là, il est toujours là et toujours en fuite.

    (...)

    "Le Bardo Thodol ou Livre des Morts tibétain est un guide, un recueil d'instructions sur les rites qu'il faut suivre, les paroles qu'il faut dire au mourant et au cadavre pour lui permettre, dans cet état intermédiaire (Bardo : entre-deux) qu'il va traverser après la mort, de saisir les occasions qui vont s'offrir à lui de se libérer du cycle des réincarnations, et de reconnaître la Réalité sous l'aspect d'une “claire lumière” . “Quand l'expérience de la Réalité luit sur moi, dit le Livre, puissé-je reconnaître que toute apparition est une réflexion de ma propre conscience (...), puissé-je ne pas craindre les Divinités paisibles et irritées qui sont mes propres formes-pensées. “

    Le bouddhisme, par-delà toutes ses variantes, repose sur la croyance en un cycle de réincarnation en chaîne (Samsâra), dont il faut se libérer pour échapper à la souffrance et au désir." 

     

     

    Le livre des morts égyptiens 1988

    http://brahms.ircam.fr/works/work/9059/

    (...)Cette musique se présente essentiellement comme un rituel/décor possédant une architecture propre, avec le haut, le bas, la profondeur, les perspectives. Le deuxième postulat est l'établissement d'une durée qui s'inscrit dans la lecture mentale du Livre. Cette durée (intemporelle) est abstraction, continuité ou silence. Contrairement à l'autre Livre des Morts (tibétain) dont la musique est toujours accaparée par les apparitions de la « claire lumière », j'ai tenté ici une musique de la mort et de la vie. Musique d'un théâtre quotidien des tensions et relâchements, des éclats et brisures, pour aboutir à une sorte de piano « spatial » qui, sans répit, donne le ton de ce rituel.

    Affirmation, partie 7 dans Le livre des morts égyptiens

    VII. Affirmation 10'36

    • Couleur de tempête 0'53
    • Clarté 1'43
    • Carillon de soleil 2'23
    • Sortie au jour 5'11

     

     

     


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  • Wozzeck, un opéra sacrilège ?

    Le geste musical expressionniste comme un geste sacrilège dans l'opéra d'Alban Berg ?

    Quand Eros et Thanatos sont exacerbés dans une écriture musicale toute en finesse ...

     

     

    Acte III 11'40-13'51 Wie der Mond rot ist ...

    11'26 : Was sagst du da ? ... nichts....

    scène 2 bis 13'06

     

    "Comme la lune est rouge"

    de Si à Si

    Abbado dirige l'orchestre de l'Opéra de Vienne, 1990

    Marie (Soprano) : Hildegard Behrens 

    Wozzeck (Baryton Basse) : Franz Grundheber

     

    .......

    Avant d'analyser l'extrait musical, tentons d'éclaircir la question en jeu : en quoi un opéra pourrait-il être sacrilège ?

     

    Définition du terme sacrilège : C'est une profanation à l'encontre d'une personne, d'une chose ou d'un bien,

    la profanation d'un objet sacré (par exemple le vol d'objets consacrés à Dieu : des ciboires, calices, images saintes etc.),

    un outrage à une personne digne de vénération ou d'égards

    Pour une oeuvre d'art ayant un statut de "sacralisé" on parle de sacrilège quand il s'agit de la retoucher, comme un tableau par exemple

    Profaner un objet artistique destiné à élever l'âme ne serait-ce pas le faire descendre vers le quotidien, le ramener à une sorte de premier degré 

    par des moyens artistiques détournés ? ou encore choquer le spectateur en utilisant des moyens transgressifs contrairement à des spectacles plus académiques qui donnent à voir et entendre ce que le spectateur veut consommer ?....

     

    Rappelons la définition de l'opéra comme genre musical et spectaculaire :

    Définition du genre de l'Opéra : Pièce de théâtre mise en musique pour un orchestre symphonique et des voix lyriques avec une mise en scène, des costumes et des décors adaptés. 

    Définition de l'Expressionnisme : mouvement artistique apparu au XXè siècle en Europe du Nord. Les représentations figuratives mettent souvent en scène des émotions noires, angoissantes déformées et stylisées avec exagération pour créer la plus grande intensité expressive.

    Wozzeck est composé par Alban Berg, un musicien vivant parmi des artistes à la sensibilité exacerbée dans Vienne comme dans une apocalypse joyeuse (titre d'un album d'exposition incroyablement riche et intense et supervisé par Jean Clair en 1986 (Centre Pompidou)) :

    Egon Schiele, Kokoschka, les musiciens viennois autour de Schoenberg, père du dodécaphonisme etc.  tandis que Freud publie ses découvertes sur l'inconscient avec la naissance de la psychanalyse dès la fin du XIXè siècle. 

     

    4. Wozzeck 1925, un opéra sacrilège ?

    Schiele, le cardinal et la nonne, 1912

    paraphrase profanatrice du baiser de Klimt

    4. Wozzeck 1925, un opéra sacrilège ?

     

    4. Wozzeck 1925, un opéra sacrilège ?

    Kokoschka, la fiancée du vent, 1913-14

    • Ds expressionnisme : mouvement sacrilège par essence : geste de profanation des représentations figuratives par l’exacerbation des traits des couleurs (décors de 1922 : le cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene) 

     

    Comment pourrait-on parler de sacrilège pour un opéra ? ...En se référant aux exemples qui l'entourent dans l'histoire du genre et en marquant la différence avec l'opéra expressionniste Wozzeck ?

    L'argument de Wozzeck, déjà, est sacrilège au regard des super héros présentés dans les opéras depuis Orphée (1607). On a affaire à un pauvre soldat qui vit dans un monde abject. 

    La musique va mixer deux styles d'écriture à une époque où les artistes revendiquaient leur modernité. Alban Berg va "salir" l'écriture dodécaphonique enseignée par son maître Schoenberg. 

    Au lieu de passions nobles gentiment amenées sur scène, l'opéra Wozzeck montre le désir cru et animal de certains personnages mélangé à un désir mystique pur et exprimé de manière savante dans la musique. Cela donne un contraste détonnant pour la sensibilité du spectateur.

     

     

    Partition de l'opéra Wozzeck composé par Alban Berg et créé en 1925 à Vienne

     

    Alban Berg :  compositeur autrichien (1889-1935); Elève de Schoenberg dans la Vienne "décadente" et riche en moyens artistiques au début du XXè siècle. Comme son maître, il utilise un nouveau langage harmonique : l'atonalité, qui frotte et heurte les oreilles des auditeurs académiques par les nombreuses dissonances. Berg ne craint pas de garder une écriture musicale très expressive (en favorisant les émotions) au contraire de ses confrères viennois Schoenberg et Webern qui veulent rompre avec la bourgeoisie viennoise des opérettes. Il mêle avec ambiguïté des formes musicals très anciennes (comme la passacaille au 1er acte) et une écriture atonale complexe.  

     

    4. Wozzeck 1925, un opéra sacrilège ?

    4. Wozzeck 1925, un opéra sacrilège ?

     

    L'opéra Wozzeck est une adaptation par le compositeur lui-même d'une pièce de théâtre étonnement moderne pour son époque (romantique), un drame de Büchner captivant.

    L'écriture  de l'écrivain Büchner est concise, sans effets superficiels, et terriblement réaliste. Woyzeck n'est pas un héros chevaleresque. C'est un simple soldat qui va tuer sa concubine Marie parce qu'elle l'a trompée avec un tambour-major. La musique atonale va amplifier la folie croissante de Wozzeck qui mène jusqu'au meurtre de Marie. 

    Structure de l'opéra très solide à partir du drame : 3 actes de 5 scènes chacun.   

    Zoom sur l'Acte III (dernier acte)

    Scène 2 (invention sur la seule note si)

    Wozzeck et Marie se promènent dans les bois près d'un étang. Marie est impatiente de partir, mais Wozzeck la retient. La lune se lève, de couleur rouge sang. Cette atmosphère détermine Wozzeck dans sa jalousie et sa folie. S'il ne peut pas avoir Marie, personne ne le pourra, et il la poignarde.

    Scène 3 (invention sur un rythme)

    Les gens dansent dans une taverne. Wozzeck entre. Il voit Margret, l'invite à danser et il la tire sur ses genoux. Puis il l'insulte et lui demande de chanter une chanson. Elle chante, mais remarque du sang sur la main et le coude de Wozzeck. Tout le monde commence l'entoure et lui crie dessus. Wozzeck, obsédé par le sang, se précipite hors de la taverne et s'enfuit dans la nuit.

     

     

    Analyse musicale :

    Eros et Thanatos dans le texte (Wozzeck embrasse Marie puis la tue) 

    Pour partir à la découverte de l'inconscient, Freud n'hésite pas à s'appuyer sur les récits mythologiques. Sur son bureau on pouvait trouver une incroyable ribambelles de statuettes et bibelots liés à des divinités du monde entier...

    4. Wozzeck 1925, un opéra sacrilège ?

    Concernant la libido et les pulsions humaines, le psychanaliste s'appuie sur les figures d'Eros et Thanatos, Eros comme le symbole de la pulsion érotique, et Thanatos comme le symbole de la pulsion de mort.

     

    Dans cet extrait, Éros est déclassé : Marie dégoûtée et apeurée par l’étrangeté de Wozzeck (impuissant comparé à la virilité fanfaronne du Tambour Major (scène auberge) 

     

    Thanatos : meurtre banalisé et lune rouge païenne mise en valeur comme pour la sacraliser 

     

    La musique, tout en étant au service du texte, est d'une efficacité incroyable et dessine à la fois le décor comme on peut l'entendre dans les premiers opéras (figures musicales qui illustrent un paysage, exemple la harpe dans l'orféo de Monteverdi quand il est question du paradis)

    (forêt, lune avec mouvements ascendants), l'angoisse (silences)

    et la mort (timbales) 

    Timbre : contrastes des timbres, des sonorités très douces des harpes, cordes, et celesta au martèlement sombre et régulier des timbales = contrastes

     

    17'45 / 9è Symphonie  Mahler 2è mvt, envolée lyrique puis chute accentuée par les coups macabres des timbales

    Nomenclature de l'orchestre pour Wozzeck

     

    • Bois : 4 flûtes (toutes jouent aussi les piccolos ), 4 hautbois (le 4e joue aussi le cor anglais ), 4 clarinettes en si bémol (1re aussi clarinette en la, 3e et 4e aussi clarinettes en mi bémol ), clarinette basse en si bémol, 3 bassons , contrebasson
    • Cuivres : 4 cors en F, 4 trompettes en F, 4 trombones (1 alto, 2 ténor, 1 basse), un tuba
    • Percussion : 4 timbales , une grosse caisse , plusieurs cymbales (une paire, suspendue, et une jointe à la grosse caisse), une grosse caisse, une caisse claire, deux tam-tams (un plus petit que l'autre), un triangle, un xylophone
    • Claviers : un célesta  (inventé en 1886) 
    • Cordes : une harpe, premiers et seconds violons , altos , violoncelles , contrebasses

    Espace : mobilité de la note SI (une seule note, une couleur dominante) même si elle bouge de l'intérieur (les instruments et voix se la passent) effets de tremolos, glissandos, harmoniques...)

    L'espace devient démesuré : Extrême grave (contrebasses et trombones pour exprimer la profondeur de la forêt au début) Extrême aigu (jusqu'à la lune)

    et cluster de l'interlude (= accord dissonant)

    la palette du compositeur est atonale, nouvelle et sert parfaitement l'angoisse du personnage principal

    Temps : le temps se resserre au fur et à mesure de la scène comme si une caméra se rapprochait du couteau (silences du début puis affolement et cri)

    Dynamique : des nuances contrastées, disloquées / très subtiles / jusqu'au cri de Marie FFF / grand crescendo final sur le SI puis FFF de l'interlude 

    Caractère : angoissant, expressionniste (expression déformée) / le passage de l'interlude qui énonce la mort de Marie aux timbales puis cluster à la musique de danse de l'auberge marque un contraste éloquent

    Structure : C'est la note SI qui structure tout le morceau (instruments, voix) jusqu'à l'interlude. La note SI pour la mort de Marie

     

    Dans Wozzeck, Berg va utiliser des formes de composition anciennes (références à des danses, passacailles...), des moyens romantiques comme l'utilisation des leitmotive (thème musical associé à un personnage) avec une palette sonore moderne car atonale, comme s'il salissait une palette classique tonale. 

    Thèmes expressionnistes : angoisse et folie de Wozzeck, meurtre 

    Les gestes de la démesure comme geste sacrilège ? Une piste pour analyser cet extrait de Wozzeck ?

     

    Rapport entre image et musique :

    De nombreuses mises en scène tjs très percutantes car l’opéra Wozzeck est motivant pour les artistes

     

    Un exemple de mise en scène récente qui renforce la profanation des émotions humaines (en réduisant chaque être une marionnette guidée par son désir animal) La mise en scène de Andreas Homoki renforce l'aspect abjet et terrifiant d'un quotidien extrêment violent renforcé par la musique de Berg.

     

     

    Trailer de la version Fabio Luisi direction / Andreas Homoki mise en scène àl'Opéra de Zurich en 2015

     

    Cf mise en scène Zurich 

    Octobre 2015 

    Opernhaus de Zurich 

    2015

    Direction : Fabio Luisi (1959. Chef d’orchestre italien. 

    Mise en scène Andreas Homoki 

    (Directeur et metteur en scène pr certains spectacles à l’opéra de Zurich) 

     

    Wozzeck : Christian Gerhaher (baryton allemand 1969) 

     

    Le metteur en scène, tout comme Alban Berg profondément affligé par la méchanceté et cupidité humaine, en appelle à notre humanité ! : 

    Il propose une Esthétique à la Ensor (1860-1949)

     

    4. Wozzeck 1925, un opéra sacrilège ?

    Le peintre squelette, Huile,  1895

    4. Wozzeck 1925, un opéra sacrilège ?

    L'entrée du Christ à Bruxelles, James Ensor, 1889. Toile immense 

    geste sacrilège en immergeant la figure du fils de Dieu dans une ville belge du tournant du XXè siècle.

     

    Dans la mise en scène proposée à Zurich en 2015, 

    (Plateau transformé en Castelet (petit théâtre pour marionnettes) où les hommes apparaissent comme des marionnettes manipulées par leur désir ? Par d’autres ? 

    Wozzeck : soldat traumatisé (cf guerre n1 Beckmann, Otto Dix...) trop lucide (intelligence supérieure et décalée) fou et servant de cobaye au médecin / fait souffrir celle qu’il aime jusqu’à la tuer 

     

     

    Conclusion et ouverture sur la question plus générale du lien entre l'opéra comme représentation de l'espace sacré

    La musique propose dans cet extrait une déformation exagérée de la réalité comme si le spectateur vivait les émotions de Wozzeck à sa place. On peut dire que Wozzeck est le premier opéra expressionniste, par la musique et le sujet. Son écriture musicale est atonale et la représentation d'un simple soldat anti-héroïque en proie à ses tourments existentiels est inédit pour un livret d'opéra. L'oeuvre sera déclarée "art dégénérée" sous la période du national-socialisme, ce qui est finalement une preuve de sa qualité innovante et humaniste. 

     L’expressionnisme est un ample mouvement artistique qui apparaît au début du XXème siècle, entre 1905, année de la fondation de la communauté d’artistes « die Brücke » et 1920, année marquant la fin des agitations révolutionnaires d’après-guerre. Il s’épanouit essentiellement dans le nord de l’Europe et plus particulièrement en Allemagne. 

    Il touche de nombreux domaines artistiques aussi différents que les décors de théâtre, la danse, le cinéma, le théâtre, l’architecture, la musique même si la peinture reste son domaine de prédilection.

    Sous l'influence de la psychanalyse naissante entre autre, l'art expressionniste veut distordre et déformer la réalité pour mettre en avant les émotions, les expressions et rendre compte de ce que l'on ne fait que deviner chez l'homme; son inconscient. 

    Couleurs et forment subissent d'incroyables distorsions pour mettre en avant l'expression, l'émotion.

    Dans un effet de contraste poussé, Berg souligne les aspects banaux du quotidien triste et monotone qui entoure la tragédie de Marie, une tragédie qui semble passer inaperçue quand les enfants jouent et font la ronde dans la scène finale de l'opéra ou quand Wozzeck tue Marie froidement et part boire son verre habituel à la taverne après l'avoir poignardée. Effet glaçant de la banalité du mal ( cf Hanna Arendt)

    Sachant qu'on ne tue pas sur scène dans un spectacle académique "pour tous" et que la mort ne doit pas être vue, l'image est d'autant plus violente dans la mort de Marie qu'elle est banalisée.  

    Le sacrilège du genre de l'opéra agit très fortement dans Wozzeck mais avec subtilité en plus ! 

    L'opéra est le lieu de représentation des passions, lieu où les passions sont sacralisées par le biais du geste vocal et musical depuis la création du genre en 1607 et Wozzeck peut aisément choquer et surtout déranger car les effets musicaux sont très subtilement dissonants tout en gardant un geste lyrique propre à l'art musical. 

     

     

    Pour continuer ... et ouvrir le propos...

    Il serait intéressant de poser la question de la représentation du sacré dans le rituel de l'opéra, à la fois genre et lieu et qui s'imaginait aux origines retrouver la ferveur rituelle du théâtre grec antique.

    Tragédie lyrique (les dieux ou héros antiques à l'honneur, cf Lully)

    Opera seria qui continue la tradition littéraire de la tragédie lyrique

    opera buffa qui ose parler du quotidien, masi opera buffa inséré au départ comme spectacle de détente entre les actes de l'opéra seria

    Don Giovanni de Mozart, un opera buffa qui se suffit à lui-même ? et quintessence de l'art de l'opéra et du geste érotique symbolisé (selon Kierkegaard, philosophe du XXè siècle)

    le Grand opéra à la française façon superproduction hollywoodienne sur des sujets historiques , littéraires, de grandes figures héroïques en tout cas

    opéra vériste de la fin du XIXè siècle qui met sur un piédestal des personnages du quotidien (Carmen, Bizet, la Bohème de Puccini...)

    La mythologie germanique et nordique dans l'opéra mégalomane wagnérien 

    Pelleas et Melisande de Debussy

    ... et Wozzeck en bout de file, opéra acéré et efficace qui casse les codes du rituel attendu dans l'espace sacré de l'opéra. L'homme et ses désirs mis à nu

     

    cf dossier pédagogique :  http://www.cndp.fr/crdp-reims/fileadmin/documents/preac/spectacle_vivant_opera/dossiers_pedagogiques/CARNET_D_OPERA_WOZZECK.pdf

     

     

     

     

     

     

     


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    ORFEO

    Possente spirto, e formidabil nume,

    Senza cui far passaggio a l’altra riva

    Alma da corpo sciolta invan presume,

     

     

    Non vivo io, no,che poi di vita è priva

    Mia cara sposa, il cor non è più meco,

    E senza cor com’esser può ch’io viva ?

     

     

     

     

     

    A lei volt’ho il cammin per l’aer cieco

    A l’inferno non già, ch’ovunque stassi

    Tanta bellezza il paradiso ha seco.

     

     

     

     

    Orfeo son io, che d’Euridice i passi

    Segue per queste tenebrose arene,

    Ove già mai per uom mortal non vassi.

     

     

    O de le luci mie luci serene,

    S’un vostro sguardo può tornarmi in vita,

    Ahi, chi niega il conforto a le mie pene?

     

     

     

    Sol tu, nobile Dio, puoi darmi aita,

    Né temer dei, ché sopra un’aurea cetra

    Sol di corde soavi armo le dita

     

    Contra cui rigida alma invan s’impetra.

    ORPHEE

     Puissant esprit, dieu redoutable,

    Sans qui toute âme, libérée de son corps

    Ne peut pas espérer rejoindre l’autre rive,

     

    Ce n’est plus moi qui vis, puisque ma chère épouse

    Est privée de sa vie, mon coeur s’en est allé ,

    Et sans mon coeur, comment pourrais -je vivre ?

     

    C’est vers elle que j’ai cheminé dans le noir,

    Mais non pas vers l’enfer,

    Puisque là où se trouve une telle beauté,

    Là est le paradis.

     

    C’est moi, Orphée, et je suis les pas d’Eurydice

    Parmi ces déserts ténébreux

    Où jamais un mortel n’osa s’aventurer.

     

    O, claires lumières de mes yeux

    Un seul de vos regards peut me rendre la vie

    Qui pourrait refuser ce secours à ma peine ?

     

    Toi seul, très noble dieu, peux me venir en aide,

    Et n’aies aucune crainte ; Sur cette lyre d’or,

    Mes doigts ne sont armés que de cordes suaves :

     

    Le plus dur des esprits ne sait leur résister.

     

     

     

    Extrait du livret du premier opéra imprimé, l’Orféo de Monteverdi

    Favola (fable) in musica, créée en 1607 à Mantoue, Acte 3 (sur 5 au total)

     

    Au bord du Styx, Orphée vient charmer et endormir Charon de son chant suave et de sa lyre pour traverser le Styx, accéder au royaume des morts et ramener son Eurydice bien aimée à la vie… à condition de ne pas se retourner pour la regarder avant de retrouver le royaume des vivants…

     

    Imagine le chant d’Orphée qui doit charmer le terrible Charon.

    Quel type de voix pour Orphée ? …………………………………………………………………………………..

    Quelles couleurs instrumentales pour accompagner son imploration ?

    Attention, orchestration et figures musicales qui imitent le texte (cf mots en gras)

     

    Orphée avec sa lyre :    ………………………………………………………………………………………………….

    La mort :                    ………………………………………………………………………………………………………

    Le paradis :               ……………………………………………………………………………………………………….

     

    Quel tempo ?

     

    Quel caractère ?

     

     

     

    https://eduscol.education.fr/odysseum/orphee-poete-des-origines-et-fondateur-de-lorphisme 

    L'Orféo de Monteverdi

     

    Christian Gerhaher sings "Possente spirto" from Monteverdi's L'ORFEO / 

    Bayerische Staatsoper

    le 21 juil. 2015

    Orphée est aux enfers et implore Charon de lui laisser franchir le styx pour aller sur l'autre rive rejoindre Euridice

    Acte 3 sur les 5 actes de l'opéra

     

     

     

    Toccata d'ouverture 

    Orfeo 

     

    Prologue Orfeo

    La musica 

     

    Des rives de mon Permesse bien aimé je viens à vous, (rivière consacrée aux Muses)

    Illustres héros, noble sang des rois,

    Dont la renommée rapporte les sublimes vertus,

    Sans atteindre la vérité tant elle sont élevées.

     

    JE SUIS LA MUSIQUE, et par mes doux accents

    Je sais apaiser tous les coeurs tourmentés,

    Et d'amour ou de noble colère

    Je peux enflammer l'âme la plus glacée...

     

    C'est le désir de vous parler d'Orphée qui me conduit ici,

    Orphée, qui par son chant attira les bêtes féroces,

    Et fit céder l'Enfer à ses prières,

    Orphée, gloire immortelle du Pinde et de l'Hélicon (des montagnes grecques)

     

    A présent... "taisez-vous" et observez...

     

     

    Monteverdi (1567-1643)

    Orfeo, Monteverdi, 1607 ou Le premier opéra

     

    Possente Spirto

    Scène centrale de l'Acte 3 et de l'opéra

    Orphée implore le puissant esprit qu'est Charon pour entrer au royaume des morts délivrer celle qu'il aime

     

     

     

     

    Orféo 1607

    Orphée suppliant Caron

    Marc Leriche 1912

    Musée des Beaux Arts de Lyon

    Des représentations du mythe d'Orphée

    Des représentations du mythe d'Orphée

     

     

    Dionysiaque

     

    Orfeu Negro, Marcel Camus, 1959

     

     


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  • L'artiste en quête d'absolu

    Arnold Schoenberg sur l'Echelle de Jacob

    Quand le langage musical est réinventé au service d'un absolu

    un élu viennois parmi les musiciens du début du XXè siècle...

     

    L'image de l'artiste solitaire en quête d'un absolu artistique digne d'un haut sommet de montagne est plus que jamais de rigueur avec le compositeur Arnold Schoenberg. Cet artiste pugnace est allé jusqu'au bout de sa démarche artistique malgré le peu de "followers" à son époque.  Mis à part quelques fidèles disciples tels Webern, Berg ou Zemlinsky et quelques enthousiastes de la modernité très peu de ses contemporains ont apprécié ses oeuvres musicales fabriquées avec un nouveau langage dissonant pour les oreilles du début du XXe siècle.

    Il s'est lui-même peint avec talent et logique de la pensée en mettant en avant la quête spirituelle de son art qui passe par le regard de l'artiste. 

    cf l'artiste voyant tel que le poète Rimbaud le décrit et l'imagine dans sa lettre à son ami Paul Demeny le 15 mai 1871

    Je dis qu'il faut être voyant, se faire voyant.

    "(...)Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, - et le suprême Savant ! - Car il arrive à l'inconnu ! - Puisqu'il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu'aucun ! Il arrive à l'inconnu ; et quand, affolé, il finirait par perdre l'intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu'il crêve dans son bondissement par les choses inouïes et innommables : viendront d'autres horribles travailleurs; ils commenceront par les horizons où l'autre s'est affaissé! (...)"

    (Cf Exposition au musée d'art et d'histoire du Judaïsme : Arnold Schoenberg, Peindre l'âme. Exposition des peintures du musicien)

    https://www.mahj.org/sites/mahj.org/files/atoms/files/dp_schonberg.pdf

     

    Exemples

    2.(...) La recherche d'absolu

     

    Blaues Selbstporträt, 13 février 1910

    Huile sur bois, 31,1X22,9 cm, Vienne, Arnold Schoenberg Center

     

    2.(...) La recherche d'absolu

    Arnold Schoenberg, Blick (Regard), mai 1910, Huile sur carton, 32,2X24,6 cm,

    Vienne, Arnold Schoenberg Center.

     

    On pourrait qualifier Schoenberg d'artiste qui privilégie la "soul" attitude avec une exigence intellectuelle remarquable. 

    Pour lui, l'art musical est sacré. 

    « Mon sentiment personnel est que la musique dispense un message prophétique et révèle la forme de vie la plus noble vers laquelle aspire l’humanité » (Schoenberg1975, 1985, p113)

    cf tradition hébraïque  où la recherche de Dieu est vécue comme une recherche de vérité (verum)

     

    1874 : Arnold Schoenberg naît dans une famille juive, baptisé catholique dans l'église luthérienne, sans conviction mais dans un esprit d'intégration comme le font de nombreux juifs à Vienne à la fin du XIXe siècle. A 18 ans converti au protestantisme pour revenir en 1933 à la religion hébraïque (et partir en tant que "artiste dégénéré" pr LA-). Schoenberg restera toujours tolérant en matière de religion, s'intéressant davantage à la théosophie d'un Swedenborg par exemple où la recherche mustique tiendrait autant du coeur que de l'esprit. 

     

    Parmi des oeuvres musicales toujours exigeantes au niveau de la composition et de l'écoute, de nombreuses pièces seront inspirées par les questions mystiques, en liaison avec sa judaïté mise à mal dès 1920 en Autriche et qui conduira à son exil en Amérique; parmi ces oeuvres musicales (Un survivant de Varsovie, orchestration de kol Nidre,...) deux oeuvres qui lui tenaient particulièrement à coeur sont restées à l'état inachevées. Son opéra 

     

    1930-32 :  Moïse et Aaron opéra en 3 actes.

    Il s'agit du conflit tragique entre Moïse l’élu qui possède l’idée mais ne peut la communiquer et Aaron  qui possède la parole, mais qui la trahit en action cette parole. Schoenberg ne termine pas l’opéra. Il s’arrête au deuxième acte à la fin sur ces paroles de Moïse révélatrices :

                                             « O Wort, o Wort, das mir fehlt ! » (Oh mot qui me manque)

     

    La deuxième oeuvre est un oratorio, l’Echelle de Jacob, un oratorio inspiré par la force de la prière qui unit le ciel et la terre. 

    L'oratorio est un genre musical spécifiquement religieux apparu à l'époque baroque en Italie et qui était un pendant de l'opéra en version religieuse : le "spectacle" se déroulait sans mise en scène ni costume mais dans une église. Sur un livret tiré d'une histoire la bible, les musiciens accompagnaient les chanteurs statiques qui avaient interdiction de jouer la comédie mais pouvaient rendre la musique vivante par leur interprétation. 

    Lien vidéo sur l'oratorio... 

    https://www.youtube.com/watch?v=wZoqt72t6zw

     

    L'Echelle de Jacob

     

    L'histoire biblique de Jacob... a inspiré la création artistique

    L'échelle ne permet-elle pas par excellence de monter vers l'absolu, un pont mystique entre les hommes et Dieu. Voilà l'histoire telle qu'on la trouve racontée dans la première partie de la Bible, dans l'Ancien Testament. 

     

    L’histoire de Jacob est contée par la Genèse qui du chapitre 25, à partir du verset 20, au chapitre 50 conduit le lecteur de la naissance du fils d’Isaac et de Rébecca à ses funérailles. Il n’est pas inutile d’en relire les grandes lignes avant d’aborder les épisodes que les musiciens ont retenus. Jacob avait un frère jumeau, Esaü, qui lui céda son droit d’aînesse contre un potage de lentilles, mais il était le préféré d’Isaac. Aussi, devenu vieux et aveugle, celui-ci appela-t-il Esaü pour le bénir. Rébecca, profitant de la cécité du vieil homme, fit passer Jacob pour Esaü qui, furieux, ne cacha pas son désir de vengeance. Rébecca envoya alors Jacob chez son frère Laban. En chemin, une nuit, Jacob eut un songe : « Voilà qu’une échelle était dressée sur la terre et que son sommet atteignait le ciel, et des anges de Dieu y montaient et descendaient ! » (Gn 28, 12). 

     

    Le compositeur viennois va travailler de longues années sur son oratorio inachevé. Une échelle qui va lui donner bien du fil à tordre. 

    Dans le cadre de l'Echelle de Jacob de Schoenberg, pas de fioritures ou d'ornementation exagérée. Une concentration proche de la méditation est sollicitée par sa partition. 

    http://ekladata.com/g0rdbeJSIPVAKY7CQsIn05R2dGc/Jacob.pdf

    vers  2'50 / Seraphita / 1er des 4 lieder pour voix et orchestre op.22 de Schoenberg (1913)

    Texte de Downson traduit par le poète Stephen George

    inspiré du Seraphita de la Comédie Humaine de Balzac

    (Seraphitus-Seraphita, être parfait et contemplatif doué d'exceptionnelles facultés intellectuelles, rêve de découvrir l'amour divin parfait, se transforme en séraphin et monte au ciel ...)

    Dans une lettre du 19 août 1912, il écrivait à Kandinsky : « “Séraphîta” de Balzac. Connaissez-vous ce texte ? Ce qu'il y a de plus merveilleux peut-être. Je veux en faire une oeuvre scénique […] un oratorio à voir et à entendre. Philosophie, religion perçues à travers l'art… »

    Ne trouvant personne pour lui écrire son texte de livret, Schoenberg écrit son propre livret en deux parties, à partir du combat de Jacob de Strinberg et de Seraphita de Balzac.

    Il garde le combat de Jacob avec l'Ange  (combat contre Dieu et les hommes)

    l'Ange Gabriel s'oppose à une foule d'êtres humains qu'il presse vers un départ pour l'Au-delà : les insatisfaits, les sceptiques, les réjouis ravis, les indifférents, les dévots ...

    Répartis en différents choeurs, ils expriment les sentiments que leur inspire l'existence révélée d'un ordre divin...

    Vient ensuite le tour de quelqu'uns restés à l'écart  : 6 individus qui incarnent une posture morale spécifique correspondant à un degré de l'échelle spirituelle : un appelé, un récolté, un lutteur, l'Elu, le moine, le mourant

    (Cf Thèse de doctorat de Dimitri Kerdilès,vers une pensée critique de la relation : Arnold Schoenberg et l'idée musicale, 2018.)

    et en deuxième partie le Rêve de Jacob 

     

    die Jakobsleiter, Schoenberg

    création en 1961 à Vienne par le chef d'orchestre Rafael Kubelik 

    départ vers 2'27.

    avec l'utilisation d'hexacordes il anticipe le langage dodécaphonique

    dès le début ostinato en hexacordes des violoncelles : ré fa si do dièse mi sol dièse

     

    Transition pour passer des clairs obscurs de la complexité intellectuelle à la lumière des couleurs symboliques

    2.(...) La recherche d'absolu

    Marc Chagall, Le songe de Jacob, huile sur toile 1960-1966

    195X278 cm, Musée Marc Chagall, Nice

    Comme un dyptique le tableau présente deus scènes séparées : 

    A gauche, dans une nuit au ton violet, il voit en songe des anges monter et descendre une échelle, allusion à sa longue descendance. Les anges semblent danser comme des acrobates autour de l’échelle, évoquant le cirque que Chagall aime tant et soulignant la profonde parenté de ses sujets profanes et de ses sujets sacrés.

    A droite, l’ange transparent souligné de blanc, couleur divine, porte un chandelier allumé qui éclaire la nuit bleue et rend manifeste l’éblouissement plein d’espoir du message divin.

     

    Question de la symbolique (mystique) des couleurs 

    Le bleu de la fleur romantique cherchée par le poète Novalis...

    le mouvement du Blaue Reiter (Munich début du XXe siècle)

    Kandinsky (grand ami de Schoenberg) , du spirituel dans l'art 

     le blanc pur et silencieux...

     

     

     

    Bernice Johnson Reagon

    Negro spiritual

    We are climbing Jacob's ladder

    apparu dès la fin XVIIIe siècle

    Version de Peete Seeger, chanteur de musique folk,

    version plus lumineuse, féministe et contre la discrimination raciale  pour les années 1960

    ici en 1968 en Suède

    "we are black and white together..."

    version Bruce Springsteen

     

     

    Jacob's Ladder



     

    We are climbing jacobs ladder

     

    We are climbing jacobs ladder

     

    We are climbing jacobs ladder

     

     

    Soldiers of the cross

     
     

     


    Every round goes higher higher

     

     

    Every round goes higher higher

     

    Every round goes higher higher

     

    Soldiers of the cross

     

     

     


    Sinners do you love your Jesus

     

    Sinners do you love your Jesus

     

     

    Sinners do you love your Jesus

     

     

    Soldiers ofv the cross

     

     

     

    If you love him why not serve him

     

     

    If you love him why not serve him

     

     

    If you love him why not serve him

     

     

    Soldiers of the cross

     


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  • https://www.persee.fr/doc/mom_1955-4982_2010_act_53_1_3131

     

    Recherches sur le sujet dans les ressources du site internet du Centre Pompidou

    https://www.centrepompidou.fr/cpv/rechercher.action


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