Musique atonale et peinture abstraite

 

Aperçu historique et point sur la TONALITÉ 

 

Aujourd’hui l’univers musical qui nous entoure est tonal pour l’essentiel.

 

L'exigence d'écoute intérieure que demande la musique atonale est peu diffusée, trop hermétique à consommer en mode fast food.

Exemple sur une plateforme musicale DEEZER ou SPOTIFY. Les styles sont différents en apparence à cause des rythmiques mais au fond, dans leur harmonisation, les musiques sont toutes basées sur les mêmes ingrédients : la TONALITÉ.

 

 

La musique tonale est basée sur la gamme occidentale de douze sons (7 touches blanches du piano +  5 touches noires)

La musique tonale repose sur une hiérarchie des sons.

La fondamentale (ou tonique) est le son principal (qui déroule un accord principal également), un tapis sur lequel l'oreille se pose confortablement.

 

Le jeu de la musique tonale est d'emporter l'oreille vers des suspensions (Dominante, 5è note de la gamme) 

 

 

Essayons de définir la tonalité à partir de son histoire pour se permettre un parallèle entre musique et peinture quand la Tonalité et la Figuralité vont être éclatées par un esprit fort; celui de Schoenberg pour la musique et celui de Kandinsky pour la peinture. 

Il serait intéressant d’étudier en parallèle également la question de la Spiritualité propre à chaque époque et son lien avec les arts, car « si Dieu est déclaré mort » à la fin du XIXè siècle par Nietzsche, la tonalité aussi est mise à mal, ainsi que la peinture figurative.

 

En occident la musique tonale se définit petit à petit, des débuts de la polyphonie autour de 900, à l’extrême enrichissement tonal autour de 1900 avec l’écriture excessive de Wagner par exemple.

 

A l'Abbaye de St Gall, à la fin du IXè siècle, les moines (qui sont les personnes à cultiver le savoir au M.A.-cf Le nom de la Rose, Umberto Eco/ film) ajoutent une voix en mouvement parallèle à la quarte ou à la quinte.

 

Depuis le Moyen Âge il se crée une hiérarchisation entre les sons -qui donnera naissance à l'harmonie- et c'est l'apparition de l’écriture rythmique dès la période de l’Ars Antiqua ou Ecole Notre Dame de Paris (l’équivalent de la période gothique )

 

 

Ecole Nodre Dame, Messe du Jour de Noël, Ensemble Organum 

 

 

Ars Nova (Philippe de Vitry 1291-1361)/ Motets 

 

 

XIVe : Ars Subtilior (après Guillaume de Machaut)

Ma fin est mon commencement 

 

Paris, Bibliothèque Nationale, fonds français 22546

 

(Hiérarchisation au niveau des plans visuels avec la perspective qui naît en Italie au XVè siècle : La perspective consiste à créer une illusion de profondeur sur une surface plane. Elle est inventée à Florence au début du Quattrocento, au moment où certains artistes souhaitent rendre les représentations plus conformes à la vision humaine.) 

théorisation de la perspective en 1436 par Alberti

 

Tournant du XVIIè siècle  : naissance de l'Opera vers 1600

 

L'expression musicale s'appuie sur les notes et accords d’une gamme tonale 

Notes pivots 

Hiérarchie 

(Monteverdi duo Le couronnement de Poppée, 1643) 

 

 

Monteverdi, Pur ti miro, Duo amoureux avec le jeu des dissonances qui se résolvent sur des consonances

 

au XVIIIes : Rameau, dans son Traite d’harmonie, théorise le sytème musical tonal occidental

Rameau, Les sauvages (1735), Les Indes Galantes, Opéra-ballet

 

 

 

Clavier bien tempéré Bach (Gounod, au XIXè siècle, ajoute une voix pour un AVE MARIA et une chanteuse française Maurane l'a repris

 

Début XIXe s : uniformisation de la hauteur des notes de la gamme et des intervalles sonores entre elles : la 440 (celui que donne le violon 1 à l’orchestre et le hautbois aux vents…) 

La tonalité s’enrichit avec Wagner qui noie le rapport hiérarchique des notes clef en élargissant les accords

et en utilisant bcp le chromatisme 

Liszt derniers morceaux de sa vie (nuages gris) 

 

 

En même temps Nietzsche s’exclame Dieu est mort 

Dostoievski écrit les possédés (allusion au troupeau de porcs hanté par un esprit démoniaque et qui se jette dans la mer) Russie fin XIXe : le mvt nihiliste 

Perte de repères 

« Décadence » (excès) de l’art occidental 

Vienne/ Paris 1900… 

 

Tournant du XXes 

Révolutions des  avant-gardes 

Le binôme Schoenberg / Kandinsky 

 

 

 

C’est aux USA que la tonalité retrouve une nouvelle naissance avec les racines de la musique pop qui se mettent en place.

Le métissage musical entre tonalité occidentale et musique africaine issue de l’esclavage 

Gospel, blues, jazz, rythm and blues, soûl, rnb, hip hop 

 

Chanter gamme de blues pour sentir les appuis et les tensions 

 

C e g a b a g e …

 

C c c c  C c c c

F f f f   C c c c 

G g F f  C c c c 

 

Aujourd’hui quasi tout ce que nous entendons est tonal 

Post modernité et mélanges en art contemporain mais… 

 

 

 

Musique atonale et peinture abstraite 

Dans l'art occidental une vraie révolution a lieu au tournant du XXè siècle

 

 

en 1908 :  Schoenberg, Quatuor n°2, 4è et dernier mouvement 

Ajout d'une voix de sprano sur un texte ésotérique de Stefan Georg 

 

Pour la 1ère fois, Schoenberg (1874-1951) suspend les fonctions tonales qui rassurent l'oreille 

 

 

Pour écouter cet extrait aujourd'hui il nous faut la même audace et le même courage qu'il y a cent ans, même confrontation à l'angoisse, à l'inquiétante étrangeté...

 

1911 : Dans son traité d'harmonie (comme Rameau au XVIIIè siècle), Schoenberg, réputé si cérébral, explique avec des images comparées le principe de la tonalité, le désir de l'homme à se référer au son fondamental pour ancrer ses racines entre la fondamental et la dominante (1er et 5e degré de la gamme), alors que le système atonal est comme un vagabond, un aventurier. Il explique également que le système tonal, notamment à travers ses accords de 7èmes diminuées, porte en lui-même sa propre chute, comme la mort est le résultat de la vie et que l'une et l'autre sont impliquées.

Au tournant du XXè siècle, l'ésotérisme est en plein forme, en réaction au matérialisme né avec les révolutions industrielles et le système de consommation des masses qui se met en place.

Vassily Kandinsky, sans titre (Étude pour composition VII, Première abstraction), 1913 (datée de « 1910 »1,2), mine graphite, encre de Chine et aquarelle sur papier (49,6 × 64,8 cm), Musée national d'Art moderne (MNAM), Paris.

 

 

Comparaison entre Musique atonale et peinture abstraite :

Disparition du thème mémorisable / disparition de la représentation de l'objet

disparition des figures d'accompagnement / Disparition de la distinction forme-fond

Contrastes entre les accords sans liens de tonalité entre eux / Contrastes des couleurs pures juxtaposées

Présence accrue du silence / Présence accrue des blancs picturaux

Les sons existent par eux-mêmes / Les couleurs existent par elles-mêmes

 

Erwartung, monodrame intérieur expressionniste de Schoenberg

Une femme attend son amant... 

 

 

 

Cf, Etienne Barillier, écrivain philosophe suisse né en 1947 et qui connaît particulièrement le langage musical

Article 

cf Dora Vallier, L'art abstrait, 2021, Poche.