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2.(...) La recherche d'absolu
L'artiste en quête d'absolu
Arnold Schoenberg sur l'Echelle de Jacob
Quand le langage musical est réinventé au service d'un absolu
un élu viennois parmi les musiciens du début du XXè siècle...
L'image de l'artiste solitaire en quête d'un absolu artistique digne d'un haut sommet de montagne est plus que jamais de rigueur avec le compositeur Arnold Schoenberg. Cet artiste pugnace est allé jusqu'au bout de sa démarche artistique malgré le peu de "followers" à son époque. Mis à part quelques fidèles disciples tels Webern, Berg ou Zemlinsky et quelques enthousiastes de la modernité très peu de ses contemporains ont apprécié ses oeuvres musicales fabriquées avec un nouveau langage dissonant pour les oreilles du début du XXe siècle.
Il s'est lui-même peint avec talent et logique de la pensée en mettant en avant la quête spirituelle de son art qui passe par le regard de l'artiste.
cf l'artiste voyant tel que le poète Rimbaud le décrit et l'imagine dans sa lettre à son ami Paul Demeny le 15 mai 1871
Je dis qu'il faut être voyant, se faire voyant.
"(...)Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, - et le suprême Savant ! - Car il arrive à l'inconnu ! - Puisqu'il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu'aucun ! Il arrive à l'inconnu ; et quand, affolé, il finirait par perdre l'intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu'il crêve dans son bondissement par les choses inouïes et innommables : viendront d'autres horribles travailleurs; ils commenceront par les horizons où l'autre s'est affaissé! (...)"(Cf Exposition au musée d'art et d'histoire du Judaïsme : Arnold Schoenberg, Peindre l'âme. Exposition des peintures du musicien)
https://www.mahj.org/sites/mahj.org/files/atoms/files/dp_schonberg.pdf
Exemples
Blaues Selbstporträt, 13 février 1910
Huile sur bois, 31,1X22,9 cm, Vienne, Arnold Schoenberg Center
Arnold Schoenberg, Blick (Regard), mai 1910, Huile sur carton, 32,2X24,6 cm,
Vienne, Arnold Schoenberg Center.
On pourrait qualifier Schoenberg d'artiste qui privilégie la "soul" attitude avec une exigence intellectuelle remarquable.
Pour lui, l'art musical est sacré.
« Mon sentiment personnel est que la musique dispense un message prophétique et révèle la forme de vie la plus noble vers laquelle aspire l’humanité » (Schoenberg1975, 1985, p113)
cf tradition hébraïque où la recherche de Dieu est vécue comme une recherche de vérité (verum)
1874 : Arnold Schoenberg naît dans une famille juive, baptisé catholique dans l'église luthérienne, sans conviction mais dans un esprit d'intégration comme le font de nombreux juifs à Vienne à la fin du XIXe siècle. A 18 ans converti au protestantisme pour revenir en 1933 à la religion hébraïque (et partir en tant que "artiste dégénéré" pr LA-). Schoenberg restera toujours tolérant en matière de religion, s'intéressant davantage à la théosophie d'un Swedenborg par exemple où la recherche mustique tiendrait autant du coeur que de l'esprit.
Parmi des oeuvres musicales toujours exigeantes au niveau de la composition et de l'écoute, de nombreuses pièces seront inspirées par les questions mystiques, en liaison avec sa judaïté mise à mal dès 1920 en Autriche et qui conduira à son exil en Amérique; parmi ces oeuvres musicales (Un survivant de Varsovie, orchestration de kol Nidre,...) deux oeuvres qui lui tenaient particulièrement à coeur sont restées à l'état inachevées. Son opéra
1930-32 : Moïse et Aaron opéra en 3 actes.
Il s'agit du conflit tragique entre Moïse l’élu qui possède l’idée mais ne peut la communiquer et Aaron qui possède la parole, mais qui la trahit en action cette parole. Schoenberg ne termine pas l’opéra. Il s’arrête au deuxième acte à la fin sur ces paroles de Moïse révélatrices :
« O Wort, o Wort, das mir fehlt ! » (Oh mot qui me manque)
La deuxième oeuvre est un oratorio, l’Echelle de Jacob, un oratorio inspiré par la force de la prière qui unit le ciel et la terre.
L'oratorio est un genre musical spécifiquement religieux apparu à l'époque baroque en Italie et qui était un pendant de l'opéra en version religieuse : le "spectacle" se déroulait sans mise en scène ni costume mais dans une église. Sur un livret tiré d'une histoire la bible, les musiciens accompagnaient les chanteurs statiques qui avaient interdiction de jouer la comédie mais pouvaient rendre la musique vivante par leur interprétation.
Lien vidéo sur l'oratorio...
https://www.youtube.com/watch?v=wZoqt72t6zw
L'Echelle de Jacob
L'histoire biblique de Jacob... a inspiré la création artistique
L'échelle ne permet-elle pas par excellence de monter vers l'absolu, un pont mystique entre les hommes et Dieu. Voilà l'histoire telle qu'on la trouve racontée dans la première partie de la Bible, dans l'Ancien Testament.
L’histoire de Jacob est contée par la Genèse qui du chapitre 25, à partir du verset 20, au chapitre 50 conduit le lecteur de la naissance du fils d’Isaac et de Rébecca à ses funérailles. Il n’est pas inutile d’en relire les grandes lignes avant d’aborder les épisodes que les musiciens ont retenus. Jacob avait un frère jumeau, Esaü, qui lui céda son droit d’aînesse contre un potage de lentilles, mais il était le préféré d’Isaac. Aussi, devenu vieux et aveugle, celui-ci appela-t-il Esaü pour le bénir. Rébecca, profitant de la cécité du vieil homme, fit passer Jacob pour Esaü qui, furieux, ne cacha pas son désir de vengeance. Rébecca envoya alors Jacob chez son frère Laban. En chemin, une nuit, Jacob eut un songe : « Voilà qu’une échelle était dressée sur la terre et que son sommet atteignait le ciel, et des anges de Dieu y montaient et descendaient ! » (Gn 28, 12).
Le compositeur viennois va travailler de longues années sur son oratorio inachevé. Une échelle qui va lui donner bien du fil à tordre.
Dans le cadre de l'Echelle de Jacob de Schoenberg, pas de fioritures ou d'ornementation exagérée. Une concentration proche de la méditation est sollicitée par sa partition.
http://ekladata.com/g0rdbeJSIPVAKY7CQsIn05R2dGc/Jacob.pdf
vers 2'50 / Seraphita / 1er des 4 lieder pour voix et orchestre op.22 de Schoenberg (1913)
Texte de Downson traduit par le poète Stephen George
inspiré du Seraphita de la Comédie Humaine de Balzac
(Seraphitus-Seraphita, être parfait et contemplatif doué d'exceptionnelles facultés intellectuelles, rêve de découvrir l'amour divin parfait, se transforme en séraphin et monte au ciel ...)
Dans une lettre du 19 août 1912, il écrivait à Kandinsky : « “Séraphîta” de Balzac. Connaissez-vous ce texte ? Ce qu'il y a de plus merveilleux peut-être. Je veux en faire une oeuvre scénique […] un oratorio à voir et à entendre. Philosophie, religion perçues à travers l'art… »
Ne trouvant personne pour lui écrire son texte de livret, Schoenberg écrit son propre livret en deux parties, à partir du combat de Jacob de Strinberg et de Seraphita de Balzac.
Il garde le combat de Jacob avec l'Ange (combat contre Dieu et les hommes)
l'Ange Gabriel s'oppose à une foule d'êtres humains qu'il presse vers un départ pour l'Au-delà : les insatisfaits, les sceptiques, les réjouis ravis, les indifférents, les dévots ...
Répartis en différents choeurs, ils expriment les sentiments que leur inspire l'existence révélée d'un ordre divin...
Vient ensuite le tour de quelqu'uns restés à l'écart : 6 individus qui incarnent une posture morale spécifique correspondant à un degré de l'échelle spirituelle : un appelé, un récolté, un lutteur, l'Elu, le moine, le mourant
(Cf Thèse de doctorat de Dimitri Kerdilès,vers une pensée critique de la relation : Arnold Schoenberg et l'idée musicale, 2018.)
et en deuxième partie le Rêve de Jacob
die Jakobsleiter, Schoenberg
création en 1961 à Vienne par le chef d'orchestre Rafael Kubelik
départ vers 2'27.
avec l'utilisation d'hexacordes il anticipe le langage dodécaphonique
dès le début ostinato en hexacordes des violoncelles : ré fa si do dièse mi sol dièse
Transition pour passer des clairs obscurs de la complexité intellectuelle à la lumière des couleurs symboliques
Marc Chagall, Le songe de Jacob, huile sur toile 1960-1966
195X278 cm, Musée Marc Chagall, Nice
Comme un dyptique le tableau présente deus scènes séparées :
A gauche, dans une nuit au ton violet, il voit en songe des anges monter et descendre une échelle, allusion à sa longue descendance. Les anges semblent danser comme des acrobates autour de l’échelle, évoquant le cirque que Chagall aime tant et soulignant la profonde parenté de ses sujets profanes et de ses sujets sacrés.
A droite, l’ange transparent souligné de blanc, couleur divine, porte un chandelier allumé qui éclaire la nuit bleue et rend manifeste l’éblouissement plein d’espoir du message divin.
Question de la symbolique (mystique) des couleurs
Le bleu de la fleur romantique cherchée par le poète Novalis...
le mouvement du Blaue Reiter (Munich début du XXe siècle)
Kandinsky (grand ami de Schoenberg) , du spirituel dans l'art
le blanc pur et silencieux...
Bernice Johnson Reagon
Negro spiritual
We are climbing Jacob's ladder
apparu dès la fin XVIIIe siècle
Version de Peete Seeger, chanteur de musique folk,
version plus lumineuse, féministe et contre la discrimination raciale pour les années 1960
ici en 1968 en Suède
"we are black and white together..."
version Bruce Springsteen
Jacob's Ladder
We are climbing jacobs ladder
We are climbing jacobs ladder
We are climbing jacobs ladder
Soldiers of the cross
Every round goes higher higher
Every round goes higher higher
Every round goes higher higher
Soldiers of the cross
Sinners do you love your Jesus
Sinners do you love your Jesus
Sinners do you love your Jesus
Soldiers ofv the cross
If you love him why not serve him
If you love him why not serve him
If you love him why not serve him
Soldiers of the cross
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