• Notes de programme du compositeur

    « Je regardais le plafond et puis j'ai vu le ciel », a déclaré un survivant du séisme de Northridge en 1994, une catastrophe qui a dévasté une grande partie de la région nord de Los Angeles. La librettiste June Jordan a trouvé cette phrase dans le Los Angeles Times et me l'a proposée comme titre de ce que je voulais être une émission à la Broadway. Après avoir composé deux grands opéras, "Nixon in China" et "The Death of Klinghoffer", je m'étais rendu compte que la seule forme véritablement indigène de musique américaine était ce que nous appelons, à défaut d'un terme plus précis, «comédie musical». Ma première apparition sur scène comme enfant était dans une production d'une petite ville de "South Pacific" de Rogers et Hammerstein, Avec ma mère jouant le rôle de Bloody Mary.

    Dans ma jeunesse, j'ai connu tous les célèbres spectacles américains plus ou moins par cœur, et la découverte ultérieure de « West Side Story » m'a convaincue que cette forme théâtrale particulière pouvait atteindre le niveau de l'art véritable. « Porgy and Bess » de Gershwin, une autre icône américaine, servait également de modèle, même si, en tant qu’entité théâtrale, elle avait de sérieux problèmes de forme.

    Ceiling/Sky est essentiellement une histoire d'amour polyphonique à la manière d'une comédie de Shakespeare. Les personnages, tous des jeunes citadins d'une vingtaine d'années, jouent leurs drames personnels sur fond de thèmes sociaux et politiques spécifiques qui importaient non seulement pour moi, mais aussi pour June Jordan (le dernier poète et essayiste réputé sur l'Afrique et la Culture américaine) et au metteur en scène Peter Sellars.

    Ils incluent les conflits raciaux, les relations avec la police et les autorités en général, la persécution des immigrés (un problème si important en Californie du Sud) et l'identité sexuelle.

    Le tremblement de terre de Northridge, un événement catastrophique naturel qui se produit au début de l'acte II, agit comme une sorte de Deus ex Machina qui impose des transformations intérieures dans la vie des différents personnages. C'est pour cette raison que June Jordan nous a donné la description fantaisiste de la pièce: la musique se compose de 20 chansons en mode pop, mais avec des torsions rythmiques et harmoniques particulières à la façon "Adams".

    Pour la production originale, Peter Sellars a mis le groupe amplifié en huit parties sur la scène et a demandé aux chanteurs de jouer leurs rôles en tenant des microphones à la Mick Jagger ou Aretha Franklin.

    Après la course de la création à Berkeley, le deuxième acte a été substantiellement modifié, plusieurs chansons ajoutées, le groupe instrumental a été transféré dans la fosse et les chanteurs ont reçu des microphones corporels. La production originale de 1995 a donné plus de cinquante représentations à Berkeley, Montréal, New York, Édimbourg, Helsinki, Paris et Hambourg.

     

    Paroles de John Adams à partir de son livre Hallelujah Junctions, 2008 Traduction libre (Extraits du Chapittre 11)

     

    Ce qui ressort de Ceiling/Sky c'est une histoire d'amour multicolore, une romance de tremblement de terre qui se situe dans la "bouillabaisse" de l'urbaine Los Angeles. Le livret s'appuie sur des thèmes d'actualité tels que le racisme, l'immigration, l'homophobie et le harcèlement sexuel. L'humour et l'expression naturelle de June sont relevés grâce à son sens du rythme de la langue et à sa connaissance du parlé vernaculaire.

    Les personnages sont jeunes, sont sensuels, impulsifs, plein de doute sur eux-mêmes et d'insécurité, bouleversés et malmenés par l'autorité adulte et les insultes quotidiennes de la police, du gouvernement, des médias et même par les autres.

    Mais c'est une histoire d'amour, pas forcément une de celle qui se termine avec un happy end, mais une de celle dont les ressentis restent avant tout positifs et optimistes.

    Cela a dû être un vrai baume pour June de composer ce poème plein d'énergie et de jeunesse alors qu'elle souffrait d'un cancer.

    Ceiling/Sky a permis d'exprimer ses pensées comme elle l'avait fait dans ses précédents essais (pour revendiquer les genres, les races, lutter contre la discrimination et la violence..), mais de manière moins frontale grâce à la forme poétique du livret.

    Le tremblement de terre va bouleverser chacune des vies aperçues en contrepoint dans l'Acte I. Les murs de la prison de Dewain s'écroulent et il peut retrouver la liberté. David réussit à donner rendez-vous à Leila dans son église. Un pilier la blesse lors du tremblement de terre. Pris de remords et sous le choc, David comprend enfin combien une réelle histoire d'amour est précieuse.

    Les critiques les plus conservatrices voient le spectacle comme un affront à la décence morale et l'apologie romantique des délits criminels.

    J'ai composé 20 chansons sur les poèmes de June. Je me suis rapidement rendu compte qu'une bonne chanson pop a besoin d'être au sommet de sa tension dès le début !  Dès les premières secondes, il faut être rentré dans l'action musicale. C'est un véritable défi pour un compositeur qui a trouvé sa voie dans la musique minimaliste, construite sur des durées particulièrement longues. Certaines pièces heureusement m'avaient préparé à ce challenge : Short ride in a Fast Machine en 1985 et qui dure 4 minutes, ainsi que des jingle commerciaux pour la télévision. Travailler sur des chansons uniques était passionnant mais également épuisant. J'y ai consacré mon énergie une année entière. Si l'imagination et la prose de June m'ont inspiré, la mise en musique des vers m'a semblé particulièrement âpre au niveau rythmique et structurel. Certaines chansons ont été conçues en peu de jours, voire quelques heures. Avec d'autres, j'ai dû batailler davantage. 

    (…) Plus que le livret, c'est la musique qui donne le ton psychologique au final. La réussite du spectacle est donc entre les mains du compositeur qui a souvent tendance à couper dans le texte pour servir la phrase musicale.

    La prose de Junes Jordan est particulièrement basée sur la sensibilité et la spontanéité, ce qu'il faut retrouver dans la musique.

     


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