• 1.Du mythe au livret : entre désir de chair et retour à la pierre

     

    a.Un mythe taillé dans la pierre judéo-chrétienne

    Le thème de Don Juan se fixe sous forme théâtrale vers 1630 sous la plume d'un religieux mercenaire de l'Espagne ultra catholique; Tirso de Molina. C'est un mythe chrétien qui a stimulé la création littéraire et musicale en particulier en surpassant même par son nombre les oeuvres traitant du mythe de Faust, autre mythe occidental où la dualité chair et âme est au centre.

    Don Giovanni filmé en Vénétie ...

     

    Tirso de Molina

    Chaque fois que chez l'homme l'appétit hétérosexuel revêt un aspect de violation audacieuse des normes de péché et de scandale il s'apparente au « donjuanisme ». On peut noter que le terme uniquement masculin est révélateur d'une époque révolue en Occident et qu'avec Metoo on trouvera bientôt son pendant féminin dans le dictionnaire.

    L'Italie s'est emparée du thème de Don Juan à la fois dans la comédie littéraire et dans la commedia del arte.

    Vers 1650 : un Convitato di Pietra (en prose) exploite les ressources burlesques et invente la scène du Catalogue, l'échange des vêtements entre le valet et son maître pour courtiser deux femmes en même temps et la dissonance finale entre le cri de Don Juan aspiré en Enfer mystique et celui du valet qui réclame ses gages bien concrets.

    En 1665 : Molière reprend le mythe populaire découvert grâce à des troupes italiennes et au théâtre forain pour proposer une comédie en prose encore plus audacieuse dans sa forme et son propos (comédie qui succède au scandale de Tartuffe).

    Don Giovanni filmé en Vénétie ...

     

    Molière 

    Il attaque encore une fois l'hypocrisie religieuse par un nouveau biais. Molière fait de Don Juan un libertin non seulement de moeurs, mais surtout d'esprit. C'est un Don Juan même odieux qu'il dessine à côté d'un Sganarelle (Leporello) stupide. Il fait apparaître la statue du commandeur comme un appât grand guignolesque qui fait son effet auprès du peuple avide d'effets et de sensations.

     

    Le livret de Da Ponte (librettiste de Mozart sur 3 de ses chef d'oeuvres opératiques : le mariage de Figaro, Don Giovanni et Cosi fan tutte)

    Don Giovanni filmé en Vénétie ...

    Lorenzo da Ponte

    En 1786 l'opéra de Mozart « le mariage de Figaro » est un grand succès à Prague. Il est construit sur un livret de Da Ponte à partir du désopilant Barbier de Séville de Beaumarchais.

    Don Giovanni filmé en Vénétie ...

     

    Mozart

    En 1787 Lorenzo da Ponte reprend le Don Juan qui a eu du succès au théâtre San Moisè de Venise, un opéra de Gazzaniga (un des derniers compositeurs d'opera buffa) sur un livret de Bertati. L'ombre d'un grand libertin n'est pas loin car Casanova se serait trouvé à Prague au moment de la rédaction du livret et de la création également (en octobre 1787) et aurait ainsi croisé son propre reflet don juanesque.

    Lorenzo da Ponte (1749-1838)n'avait rien à envier au célèbre libertin, né dans la région de Venise comme lui. Homme de lettres, aventurier et ordonné prêtre, Da Ponte entretenait plusieurs maîtresses, avec des enfants. Il fut excommunié et exilé à Londres où il tint une épicerie et une librairie. On le retrouve à la fin de sa vie aux Etats Unis à New York professeur de langue et de culture italienne à la célèbre Columbia University. Il a publié des mémoires qu'on ne trouve plus sur le marché éditorial en ce moment (mars 2020). 

     

     

    b. Un livret à Séville transformé en scénario à Venise/Vicence

    Résumé du livret

    L'action est sensée se passer à Séville, en Espagne. Or, dans la version cinématographique de 1979, Losey nous propose un décor italien riche en références multiples, à la région de Venise des masques du carnaval et des plaisirs de la chair et à ses palais construits à l'imitation de la grande époque italienne avec les vues prises dans la ville préférée de l'architecte maniériste Palladio, Vicence.

    Le livret est construit en deux actes avec un nombre de scène variable selon les versions

    Séducteur blasphémateur, Don Giovanni avance masqué pour séduire Donna Anna, par ailleurs fiancée à Don Ottavio. Anna le repousse et reçoit la protection du Commandeur, son père. Au cours d’un duel nocturne, Don Giovanni blesse à mort le vieil homme, avant de s’en aller, sans le moindre remords, vers d’autres proies, toujours flanqué de son valet Leporello, complice récalcitrant de ses audaces. Donna Elvira et Zerlina seront les autres victimes criantes du libertin. Après avoir perpétuellement glissé entre les mailles des filets – et s’en être délecté avec concupiscence – Don Giovanni ira brûler dans les flammes de l’enfer, entrainé par le spectre du Commandeur venu venger sa fille et rétablir l’ordre des choses.

     

     

    Ouverture musicale de Mozart /trailer du film de Losey, Don Giovanni, 1979 

     

    Résumé du livret

    L'action est sensée se passer à Séville, en Espagne. Or, dans la version cinématographique de 1979, Losey nous propose un décor italien riche en références multiples, à la région de Venise des masques du carnaval et des plaisirs de la chair et à ses palais construits à l'imitation de la grande époque italienne avec les vues prises dans la ville préférée de l'architecte maniériste Palladio, Vicence.

    Le livret est construit en deux actes avec un nombre de scène variable selon les versions

    Séducteur blasphémateur, Don Giovanni avance masqué pour séduire Donna Anna, par ailleurs fiancée à Don Ottavio. Anna le repousse et reçoit la protection du Commandeur, son père. Au cours d’un duel nocturne, Don Giovanni blesse à mort le vieil homme, avant de s’en aller, sans le moindre remords, vers d’autres proies, toujours flanqué de son valet Leporello, complice récalcitrant de ses audaces. Donna Elvira et Zerlina seront les autres victimes criantes du libertin. Après avoir perpétuellement glissé entre les mailles des filets – et s’en être délecté avec concupiscence – Don Giovanni ira brûler dans les flammes de l’enfer, entrainé par le spectre du Commandeur venu venger sa fille et rétablir l’ordre des choses.

     

    Résumé de l'intrigue en version youtubeuse ...
     
     

    Résumé plus précis du livret 

    Acte 1

    Don Giovanni ne vit pour que séduire. Après avoir violenté Donna Anna, dont il tue le père, le Commandeur, au cours d’un duel, c’est Donna Elvira, une ancienne conquête, qui se dresse sur son chemin. Elvira accable de reproches son séducteur, qui préfère s’éclipser discrètement et laisser le soin à son valet Leporello de répondre à ses récriminations. Leporello entame alors la lecture des innombrables trophées féminins de son maitre dans l’air dit « du catalogue ». Mais est-il possible de décrire la vraie nature du carnassier ?

    Après l’épisode Elvira, Don Giovanni tombe par hasard sur un mariage villageois, où Zerlina s’apprête à épouser Masetto. Impossible de laisser passer l’occasion : le séducteur passe en force, menace le futur mari s’il ne décampe pas sur le champ, et promet monts et merveilles à la jeune et fraiche Zerlina, hésitante d’abord, mais vite conquise.

    Extrait :  « La ci darem la mano »

    Jouissances et réjouissances sont au menu du bal organisé par Don Giovanni. Pourtant, les menaces pèsent sur la tête de Don Giovanni : Donna Anna a reconnu en lui son séducteur et le meurtrier de son père, et Elvira comme Zerlina semblent bien décidées à se venger. Mais qu’importe ! Ce bal sera l’occasion de nouvelles conquêtes. Et les danses étourdiront, et le vin coulera à flots.

    Acte 2

    Don Giovanni a non seulement échappé à ses poursuivants, mais il a laissé Leporello prendre sa place et son costume, et risquer le châtiment que ses ennemis lui réservaient. Elvira, toujours éprise de Don Giovanni, prie le ciel en sa faveur, tandis qu’Anna conjure son fiancé Don Ottavio de lui accorder un temps supplémentaire avant de s’engager – le temps qu’elle fasse le deuil de son père.

    Au cours du banquet qu’il organise chez lui, Don Giovanni se comporte en glouton et rudoie plus que jamais Leporello. Sa surprise est grande en revanche lorsque frappe à sa porte la statue du Commandeur, que Don Giovanni n’a pas frémi d’inviter à souper lorsqu’il l’a croisée quelques heures plus tôt au cimetière. L’heure du blasphémateur semble avoir sonné : le spectre le saisit de sa main glaciale et exige qu’il se repentisse – ce que Don Giovanni refuse. Hurlant de douleur, il est entrainé dans les flammes de l’Enfer, au cours d’une scène dramatique, noire et grandiose.



    c.La scène de Don Juan aux enfers : pistes proposées pour une Analyse du texte sous la question de la dualité chair/pierre

     des contrastes et un rythme de plus en plus resserré dans les dialogues

     Rappel de l'intrigue de l'opéra Don Giovanni et plus spécialement de l'action de l'extrait

    Les aventures d'un libertin esquivant les contraintes sociétales jusqu'à tuer et sa condamnation aux enfers par le commandeur transformé en statue et revenu d'entre les morts. 

     

    Lecture collective de l'extrait étudié 

    Lecture du texte par 3 élèves / Lecture déchiffrage puis interprétation du texte (enregistrement)

    Déchiffrage en direct !... le 1er mars 2021 au lycée publique Saint Just à Lyon

     

    Pistes d'analyse du texte en prévision des propositions de mise en musique et de mise en scène

      

    On entend et voit un décalage shakespearien propre au « dramma giocoso » entre le duel des « supers héros » et les remarques triviales, paniquées et terre à terre du valet : « ah patron, tous les deux nous sommes morts.. » = on va tous mourir !! La gamme des émotions portées à l'extrême permet une profondeur du champ émotionnel humain.

    Le duel est marqué dans le texte par des impératifs utilisés entre la statue et Don Giovanni : « parle !parle ! » / statue : réponds ! décide !..."

    Au fur et à mesure de la confrontation entre la statue et le héros maudit (romantique déjà dans l'esprit individuel et révolutionnaire) le ton d'énervement monte, la tension de l'atmosphère également. Don Juan injurie la statut :" Va-t-en vieillard stupide !"

    pour finir sur des interjections très courtes : Non, si, non, si... » comme un échange de balles de plus en plus rapides entre les duellistes. Un resserrement de l'action s'entend déjà dans l'élimination graduelle des paroles... pour en arriver aux mains, du moins à la main de Don Juan dans celle de la statue qui va l'entrainer aux enfers.

    La scène est très grandguignolesque. Da Ponte ne lésine pas sur les effets spéciaux du livret avec l'apparition d'un choeur de démons et avec la statue qui entraîne peu à peu Don Giovanni en enfer brûlée par les flammes et digne d'une peinture du jugement dernier 

    Don Giovanni se décompose littéralement sous nos yeux. Son « (coeur) âme est déchirée », ses « entrailles remuées », il parle de « tourment, terreur, enfer ».... Leporello terminera la scène sur une épitaphe bien noire pour un galant toute sa vie si brillant ! « che ceffo disperato ! che gesti da dannato ! , (...)comme il me terrorise/  "come mi fa terror" ! 

    ...

    Voilà un exemple de mise en musique dans le film Amadeus de Milos Forman (1984)

    Ce film a été tourné pour une bonne partie à Prague dans le théâtre baroque Tyl où s'est déroulée la première de l'opéra Don Giovanni en 1787. 

    Dans cet extrait Mozart compose le Confutatis de son Requiem avec l'aide imaginée du compositeur Salieri.

    C'est un exemple efficace et marquant de mise en musique d'un texte

    Confutatis Maledictis (Requiem in d-Moll [KV 626])

    Confutatis maledictis
    Flammis acribus addictis
    Voca me cum benedictis
     
    Oro supplex et acclinis
    Cor contritum quasi cinis
    Gere curam mei finis
     
    Les maudits confondus (Requiem en ré mineur [KV 626])
    Les maudits confondus
    Voués aux flammes ardentes,
    Appelez-moi parmi les élus.
     
    Suppliant et prosterné, le cœur
    Exténué presque en cendre,
    Prenez soin de ma fin prochaine

     

     

     


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